Ukraine : la force des témoignages dʼici !
L’Ukraine à nos portes (partie 1)
Narrer la guerre en Ukraine au gré des offensives et des contre-offensives, cela se fait à la télé. Ce traitement médiatique pousse la population à attendre le prochain rebondissement du front comme sʼil sʼagissait dʼun vulgaire jeu vidéo. Pourtant, des familles entières sont touchées, décimées, déchirées. Pour sauver leurs vies, certaines ont fui et sont arrivées à nos portes, sollicitant la protection helvétique. Depuis des mois, des Vallonniers ont décidé dʼaccueillir chez eux des familles venues de lʼEst. Ce sont leurs histoires, bien réelles, que nous souhaitons vous présenter dans cette série de reportages.
Combien dʼarticles ferons-nous sur ce sujet ? Autant quʼil le faudra pour que chaque personne souhaitant parler puisse être entendue. Sans tomber dans la romance, le sensationnalisme ou le larmoyant excessif, cʼest lʼenvie de matérialiser concrètement les conséquences de la guerre qui nous a poussés à faire ce choix. Cʼest aussi la volonté de faire exister des hommes (très peu, car souvent mobilisés sur le front), des femmes et des enfants, devenus apatrides par la force, que nous écrivons ces lignes. Finalement, cʼest le souhait des familles elles-mêmes de sʼadresser à la population qui a fini de nous convaincre. Nous commençons cette série dʼarticles par une mise en contexte générale.
Sobriété face à lʼémotion
Face à lʼinvasion russe en Ukraine, le Courrier a choisi de traiter cette actualité avec sobriété. Il serait trop facile de surfer sur la vague dʼémotions alors que des destins humains sont en jeu. Des vies le sont aussi ! Nous aurions pu évoquer ce qui se passe réellement sur place. Les corps carbonisés, les exécutions de population en fuite ou les cadavres enterrés à la hâte avant que les soldats ennemis approchent. Mais cʼest sans doute trop éloigné de lʼimage romancée donnée par les médias pour être mis sous le terrain publique en détails.
Témoignages dʼun côté, menace du nucléaire de lʼautre
Nous aurions aussi pu reprendre la communication officielle des belligérants mais celle-ci est bien trop polluée par les élans propagandistes pour y accorder du crédit. Non, ce sont de vraies histoires que nous allons publier. Seule la réalité est digne dʼintérêt. Par leurs témoignages, les quelques familles réfugiées au Val-de-Travers désirent notamment apporter de la force à celles restées en territoire militarisé (souvent pauvres et sans moyens pour sʼéchapper). Au moment même où la menace dʼusage dʼarme nucléaire (probablement les armes nucléaires dites tactiques) atteint un pic, le peuple ukrainien nʼa effectivement pas fini de souffrir.
Sans valises ni habits
Parmi les familles actuellement hébergées au Vallon, deux ont déposé leurs valises au sein de la maison du personnel de lʼEMS Les Sugits. « Déposer leurs valises », lʼexpression est mal trouvée étant donné que beaucoup de réfugiés sont arrivés sans rien sur notre sol. Nous y reviendrons. Aux Sugits, les 16 chambres de cette maison étaient surtout utilisées lorsque lʼEMS était encore un hôpital.
Le personnel les utilisait pendant sa période de repos. Depuis que le home a été créé en 1990, le personnel de veille a fondu et le lieu sʼest vidé de ses occupants. Un projet de réaffectation est en cours mais la guerre s’est déclarée et l’urgence était ailleurs. C’est pourquoi, décision a été prise de mettre temporairement à disposition ces locaux,
explique en préambule Olivier Klauser.
Deux familles dans la maison du personnel des Sugits
Sur demande du directeur de lʼEMS fleurisan, la maison du personnel a donc rapidement été aménagée en lieu dʼaccueil pour les Ukrainiens. Lʼannonce a été publiée sur le site officiel de la Confédération en mars et une demande a enfin été reçue à la fin du mois dʼaoût. Depuis lors, une famille de quatre personnes occupe le haut de lʼimmeuble. Il sʼagit de Maryna et de ses trois enfants de 10, 12 et 14 ans. Ils sʼappellent Maksym, Diana et Hanna. Lʼétage en dessous est occupé par Tetiana et sa fille Anastasia (20 ans). Et il reste encore de la place pour dʼautres personnes dans le besoin. Avant eux, dʼautres familles avaient déjà poussé la porte dʼun appartement vallonnier. à Fleurier, Olga et sa fille Alexandra ont été les premières à être accueillies au Vallon. Avant de sʼexprimer, Olga me prévient :
Je mʼexcuse par avance car je risque de pleurer.
La pudeur slave incarnée !
Avec mes excuses
Assise en face dʼelle, Mane prend à son tour la parole :
Quand je suis arrivée ici, à Fleurier, la personne qui devait me recevoir partait en vacances. Mais elle nʼa pas hésité à me donner les clés de chez elle pour que je puisse mʼinstaller quand même en son absence. Quelle générosité incroyable !
Durant cette rencontre, dʼautres familles sont aussi présentes. Oxana Puccini, Moldave dʼorigine travaillant à la Maison de lʼAbsinthe, est également à nos côtés pour assurer la traduction instantanée. Elle me confie fidèlement et avec émotions les précieuses paroles qui me sont données en cette journée de septembre. Je la remercie au passage et mʼexcuse de lʼavoir éprouvée par tout ce quʼelle a entendu. Le contexte étant posé, rendez-vous dans une prochaine édition pour découvrir ceux que rien ne semblait devoir un jour conduire derrière nos portes !
Kevin Vaucher