Lycée de Fleurier Rentrée scolaire :
par ici la sortie !
Ce titre aux allures d’oxymore en interpellera plus d’un ! Comment peut-on conjuguer rentrée et sortie ? C’est pourtant l’événement majeur qui marquera la rentrée académique ! à Fleurier donc !
En cette rentrée 2022, pour la première fois depuis 1895, aucun nouvel étudiant ne franchira la porte du lycée installé à Fleurier. Au grand dam de toutes celles et ceux qui se sont battus, au fil des siècles, pour le maintien de ce haut lieu de formation. Durant 117 années, en dépit de velléités d’ordre économique, pédagogique et, parfois même, purement pratique, les étudiants désireux de poursuivre leurs études académiques au Val-de-Travers, aussi peu nombreux furent-ils parfois, ont toujours obtenu satisfaction. à condition d’y suivre les filières et options proposées, s’entend ! Plus d’un siècle de luttes. De convictions et de valeurs partagées !
Comment regretter voire déplorer sans exposer l’histoire ? Sans redire les combats qu’il a fallu mener pour conserver une formation académique au Val-de-Travers… De tous temps, la question de « l’éparpillement des lieux de formation » ainsi nommée et critiquée par l’autorité cantonale, s’est posée. Ainsi, la Loi sur l’enseignement du 2 juin 1948 condamne-t-elle définitivement, sous ce prétexte, l’école normale de Fleurier, installée à la rue du Temple depuis 1895. Elle cède la place au Gymnase pédagogique de Fleurier, en 1949. En 1972, nouveau combat afin de maintenir le Gymnase de Fleurier avec une maturité « new look », option littéraire « langues modernes ».
1992, le ciel tombe sur la tête du Val-de-Travers lorsque le Grand Conseil décide par 71 voix contre 12 de fermer le Gymnase de Fleurier. Mobilisation générale afin de combattre cette décision et d’obtenir une votation populaire qui refuse cette fermeture – 32’133 non contre 13’510 oui. En 1995, lors de la célébration du 100e anniversaire, Annce-Claude Berthoud alors présidente de la Commission du Collège du Val-de-Travers écrivait :
« En automne 1992, les dés en étaient jetés… tel était son destin, sort irrévocable, issue fatale, autant de sentences fatalistes qui ont failli nous convaincre de leur logique et ainsi tordre le cou à notre fleuron scolaire (…) Ce centenaire doit être le gage de cette volonté de défendre à tout prix la formation de proximité, meilleur gage d’encouragement aux études, meilleur tremplin vers le savoir et la culture (…) L’expérience du centenaire se mue en sagesse ; puisse cette sagesse devenir le garant d’un avenir plein de promesses pour ceux qui en suivront le chemin ».
Grâce aux efforts de Jean-Jacques Clémençon et Serge Franceschi, le Lycée Denis-de-Rougemont initie son antenne à Fleurier. En 2011, faute d’effectif suffisant, la filière sports-arts-études spécialement créée pour pérenniser l’antenne du Lycée Denis-de-Rougemont est en péril. Le président de la toute jeune Commune de Val-de-Travers, Pierre-Alain Rumley, s’exprimait ainsi : « Cette décision nous apparaît comme une nouvelle attaque contre l’antenne de Fleurier. Nous ne lâcherons rien ! ». Ainsi dit, ainsi fait ! En 2013, les cartes sont rebattues. C’est le Lycée Jean-Piaget qui prend le relais grâce à une nouvelle filière donnant un accès direct à la Haute école pédagogique. Belle opportunité pour le Val-de-Travers qui s’était alors labellisé « Région apprenante ».
Hélas, moins de dix ans plus tard, faute d’étudiants, notamment du Val-de-Travers, l’autorité communale choisit de fermer définitivement la grande porte du lycée. Une décision qui n’aura suscité ni interrogation ni émoi dans les rangs politiques, sans doute aspirés vers le principe de réalité. Décision paradoxale toutefois, à l’heure où le corps enseignant manque de bras. N’aurait-on pas pu tenter d’Imaginer, avec la direction du Lycée Jean-Piaget, une collaboration avec les instances de la Haute école pédagogique pour faire du Val-de-Travers, une « région d’application » pour ses étudiants ?
Ainsi, après la fermeture de l’école d’horlogerie, de l’école de mécanique, voici venue la fin de la formation académique. à l’heure où le Val-de-Travers tente de redessiner son image et son attractivité…
Ne reste qu’à espérer que le temps de la rébellion, volontaire et visionnaire, retrouve de sa superbe afin de supplanter celui d’un certain fatalisme !
Claude-Alain Kleiner