Eric Bianchi
Un homme de vocations
Si l’homme-caméléon existait, il pourrait bien s’appeler Eric Bianchi. Inspecteur de police durant quinze ans et poète à ses heures perdues, il s’est reconverti en diacre voici quelques années. à l’aise dans tous ses uniformes, il entre aussi facilement dans l’habit de mari et de père de famille dans le cadre privé. Autant de rôles qu’il voit comme des vocations. Plongez dans le « dressing » hors normes de cet homme aux mille costumes.
Lorsque je rencontre Eric Bianchi, son attitude me frappe rapidement. Calme et apaisé, le ton de son discours est posé. Les mots sont justes, précis et les réponses à mes questions sont concises. Plus habitué à venir en aide aux autres, je comprends qu’il n’a pas pour habitude de parler de lui. Mais pas besoin de longs discours lorsque l’on est clair et sincère. Sa femme Marie-Laure se tient non loin de lui comme si elle veillait sur son homme de 38 ans. Son regard est protecteur et on sent qu’ils ont vécu des choses ensemble qui les ont définitivement soudés l’un à l’autre. à l’étage, leurs enfants Anaïs (bientôt 15 ans) et Enzo (9 ans) sont si sages qu’on ne les entend même pas. La famille vit dans une sérénité totale. Et pourtant, tout n’a pas toujours été facile sur son chemin.
La maladie précipite sa reconversion
C’est par amour pour sa femme d’origine vallonnière que le Vaudois Eric Bianchi est venu s’installer à Fleurier en 2007.
Je travaillais dans la police de l’ouest lausannois à ce moment-là puis j’ai transité par la gendarmerie du Locle avant d’intégrer celle du Val-de-Travers.
La suite, il devient inspecteur à la police judiciaire de La Chaux-de-Fonds avant que la maladie le frappe brutalement à la suite d’une opération qui ne s’est pas passée comme prévu.
Cela a mis un coup d’arrêt définitif à ma carrière dans la sûreté et je me suis alors réorienté dans le diaconat. J’avais cette envie en tête depuis quelque temps et cela a précipité ce projet.
Le rêve d’enfant de celui qui est entré dans la police à l’âge de dix-neuf ans prenait ainsi fin après quinze ans de service. Mais il a su rebondir. Atteint dans sa santé en 2015, c’est deux ans plus tard qu’il a concrètement entamé sa reconversion pour devenir diacre. Travail en paroisse, tâches d’aumônerie, accompagnement spirituel et célébrations rythment le quotidien souvent méconnu du diacre.
Personnellement, j’ai effectué un séminaire théologique en cours d’emploi puis six mois de formation préalable et enfin deux ans de stage à mi-temps pour parfaire le tout. Malheureusement, l’arrivée du coronavirus a un peu bouleversé notre manière de faire, notamment dans la proximité que l’on pouvait avoir avec les gens que l’on rencontrait.
« Mon patron n’est plus le même »
Mais au final, il savait déjà passablement comment gérer ce genre de situation :
Je suis entré dans la police pour soutenir les personnes qui vivaient des choses difficiles dans leur vie. Il y avait donc effectivement une certaine continuité.
En passant du bleu au blanc porté par le diacre, « l’homme-caméléon » a ainsi continué la même mission en quelque sorte : avoir de l’empathie et se mettre au service d’autrui.
Dans l’église il n’y a pas le côté répressif derrière mais sinon je pense véritablement que ce sont deux métiers très proches. Le grand écart n’est pas si grand que cela. La procédure se fait simplement par la spiritualité et non administrativement.
La camaraderie est probablement ce qui l’a le plus marqué dans son passé de policier et d’inspecteur.
Nous avons vécu des moments très forts et parfois très pénibles ensemble. Ce type de moments qui soudent, vous savez. Il faut savoir les digérer mais ils soudent.
Lorsqu’il était inspecteur, Eric Bianchi œuvrait à l’ICS – Intégrité corporelle et sexuelle –, il était donc confronté à des affaires de mœurs. Un secteur particulièrement tourné vers l’humain.
Ah oui, on est loin de l’image de l’agent qui met des amendes d’ordre. C’est pour ça que je me permets de faire le parallèle entre les deux professions. J’ai juste changé d’équipe et mon patron n’est plus le même,
s’amuse-t-il subtilement.
L’uniforme de diacre lui sied-il mieux ?
Alors que son stage de deux ans au Vallon prend fin ce mois-ci, il s’apprête à changer d’équipe à nouveau.
Je vais partir à l’aumônerie de rue de Lausanne dès le mois de mai qui arrive. J’y ferai ma Suffragance durant deux nouvelles années. C’est une période durant laquelle je suis diplômé mais pas encore Consacré. Je serai officiellement diacre suffragant dans deux ans. C’est un déchirement de quitter le Val-de-Travers où nos enfants ont grandi mais il faut savoir passer par des moments charnières comme ceux-ci dans la vie. Lorsque j’ai opéré ma réorientation professionnelle, un ancien collègue m’avait dit que je portais mieux l’uniforme de diacre que celui de policier. Je vais le croire et dire que je ne me suis pas trompé jusque-là.
Et lui, dans quel uniforme se plaît-il le plus ?
Autant le bleu m’est bien allé un moment et autant le blanc me va bien actuellement,
contre-t-il sans se mouiller. Une chose est sûre, ses affaires de policier sont bien planquées à la cave et il n’est pas question pour lui de les ressortir avant son futur déménagement.
Je ne regrette aucunement mon choix et je suis heureux de pouvoir enchaîner le métier vocationnel de policier avec celui tout autant vocationnel de diacre. J’irais même plus loin en disant qu’être père de famille et mari sont aussi des vocations.
La famille est pour lui un élément d’équilibre tout aussi important que les moments de ressourcement qu’il s’accorde régulièrement pour garder la tête froide.
Une reconversion qui germait au fond de lui
L’appui et l’approbation de ses enfants et surtout de sa femme Marie-Laure ont été et restent deux atouts précieux dans son parcours professionnel riche et exigeant.
Je n’ai pas vraiment été surprise par ses décisions lorsqu’il a changé de chemin car il a toujours eu la foi. Cette reconversion, il l’avait au fond de lui depuis toujours et cela a sonné comme une évidence lorsque sa maladie a ouvert la route pour ce changement de voie. C’est pourquoi je l’ai suivi tout naturellement,
confirme-t-elle sans hésitation. C’est d’ailleurs elle aussi qui l’a poussé à approfondir certaines passions comme la poésie en 2012.
J’adore manier les mots et c’est vrai qu’elle m’avait poussé à faire connaître mes créations.
Cela avait débouché sur la sortie d’un recueil de poèmes en 2012 (« Au bord de l’eau »). Un autre costume pour l’homme-caméléon, un !
Kevin Vaucher