Les pompiers ont mis le feu une dernière fois !
On a plutôt l’habitude de les voir éteindre le feu que de l’allumer. Lundi soir pourtant, les pompiers volontaires du Val-de-Travers ont mis une dernière fois le feu dans les bâtiments inoccupés de la rue des Petits-Clos à Fleurier. Depuis le départ des locataires il y environ deux ans, ils sont utilisés par la police et les pompiers à des fins de formation et d’entraînement. Leur future démolition et leur transformation en appartements protégés obligent les forces de protection et de sécurité à délaisser ce terrain de jeu incroyable. Le Courrier a mis le casque pour prendre part au dernier entraînement sur site.
L’ambiance est forcément un peu particulière ce lundi soir sur le coup des 19 heures. Les pompiers volontaires s’apprêtent à s’engager une ultime fois dans le feu à la rue des Petits-Clos. Ce sera dans le bâtiment de quatre étages floqué des numéros 39 et 41. Au 43, la tour de sept niveaux sera quant à elle le théâtre d’exercice un peu plus au frais pour cette soirée. Nous voilà partis pour trois heures d’engagement. Le major Patrick Piaget et le capitaine Fabio Castellani m’avaient déjà accueilli quelques jours plus tôt pour une première présentation des lieux. Lors de cette prise de température, ils avaient tenu à remercier le propriétaire – Prévoyance.ne – de leur avoir permis de profiter des lieux pour s’entraîner.
Cela a été une opportunité géniale pour nous que de pouvoir nous frotter à des conditions quasi réelles. Ça changeait de notre infrastructure à la piste feu de Couvet. C’est fonctionnel mais c’est un cube sur deux niveaux qui n’a rien à voir avec ce qu’on avait ici.
La piste feu de Couvet est le centre d’entraînement des sapeurs-pompiers du canton de Neuchâtel.
Caméra thermique et combi résistante à 800 degrés
Retour au terrain. Les plus gradés terminent de briefer les hommes. Certains pompiers ne sont pas au fait avec la dénomination des étages et une clarification s’impose.
Il n’y a pas de rez-de-chaussée chez nous, lorsqu’on vous dit feu au troisième étage, vous comptez un, deux, trois et c’est parti !
Compris ? C’est vrai que se tromper de niveau serait très problématique notamment en termes de longueur de tuyaux à dérouler et d’habitants à évacuer en priorité. Et pour cet exercice, mettre à l’abri en extérieur les deux mannequins de 80 kilos chacun sera autrement plus physique si le départ de feu se situe au 1er ou au 3e étage. Mais les soldats du feu sont loin d’être à l’intérieur encore.
On ne rentre pas comme ça sans précaution et tête baissée pour se jeter sur le feu sans réfléchir. Il y a une procédure à suivre,
développe le responsable d’instruction Fabio Castellani. Il faut d’abord faire descendre la température au maximum pour permettre aux hommes chargés d’entrer dans l’appartement de le faire le plus en sécurité possible. De par la pression qui s’accumule dans l’air, les vitres explosent rapidement lors de la propagation d’un feu et c’est une excellente chose pour l’intervention.
Cela permet de créer une voie d’air naturelle et surtout ça nous permet de gicler l’eau depuis l’extérieur dans la pièce en proie aux flammes.
Il faut « taper » en direction du plafond pour qu’un maximum de fragments d’eau se dispersent et fassent rapidement diminuer la chaleur.
Comme nos combinaisons résistent à une température de 800 degrés pendant une minute seulement, on ne peut pas prendre n’importe quel risque,
zippe la major Piaget. à l’intérieur, une caméra thermique est utilisée pour vérifier que la température de l’appartement est bien descendue. Et pour cela, il suffit de le vérifier sur la porte à différents endroits.
En fonction de la température récoltée, les intervenants savent s’ils peuvent aller plus loin ou pas. Comme la chaleur monte, plus la porte est en surchauffe sur sa partie basse, plus la pièce est soumise à une forte chaleur.
Cette caméra permet d’éviter de se brûler la main en touchant une porte brûlante par exemple. Chose qu’un volontaire s’est risqué à faire lundi soir et qui n’a pas échappé à ses instructeurs.
Nous lui avons expliqué son erreur et il s’en rappellera forcément la prochaine fois.
Éviter la boule de feu !
Pour réduire le « thermostat », les pompiers peuvent aussi utiliser une lance à percement Cobra pour injecter de l’eau à travers une porte ou un mur. Et attention aux phénomènes thermiques engendrés par le manque d’oxygène d’un endroit confiné.
Lorsqu’on ouvre une porte, il y a un apport d’oxygène pouvant conduire à un flashover (embrasement instantané d’un plafond de fumée) ou à un backdraft (explosion de fumées conduisant à une boule de feu),
exposent-ils. Avant d’arriver jusqu’à la porte, les pompiers ont dû avancer pas à pas dans des escaliers remplis de fumée.
La visibilité diminue constamment plus le foyer s’approche et cela se résume à quelques centimètres de clarté à bout touchant,
relève Cédric Conterno et sa vingtaine d’années d’expérience face au feu. Pour permettre l’avancée des hommes, un chemin de fuite est créé dans la cage d’escalier grâce à un ventilateur spécialisé.
On pulse de l’air frais depuis la porte d’entrée de l’immeuble, cela pousse les fumées chaudes en hauteur et elles sont évacuées grâce à un exutoire de type fenêtre cassée au dernier étage. Les bâtiments modernes ont un exutoire relié à l’alarme incendie qui s’ouvre automatiquement lorsqu’elle s’enclenche.
Toutes les personnes engagées portent évidemment un appareil respiratoire, non pas avec de l’oxygène mais avec de l’air « naturel ».
Pour l’entraînement, le feu provient de trois palettes embrasées, on est bien loin de tout le mobilier que peut contenir une pièce meublée traditionnelle.
Tout va donc plus vite lors d’un « vrai feu » et le principal est surtout d’acquérir les bons réflexes et les bons gestes en entraînement pour être sûrs et fiables lors de nos opérations.
Grâce à ces deux immeubles de la rue des Petits-Clos, un grand pas en avant a ainsi été fait avec les pompiers qui ont pu profiter de ces conditions. Et dire que les bâtiments auraient dû être détruits fin 2019 ! Mais il y a eu le Covid et le propriétaire a voulu accorder un délai suffisamment long pour que les locataires puissent se reloger sans précipitation.
On a aussi été impactés par le virus donc on a fait autant de formations possibles ici l’année passée mais c’est surtout en 2021 que nous avons pu reprendre pleinement notre enseignement à Fleurier,
se satisfont-ils. La police quant à elle les a essentiellement utilisés pour simuler des ouvertures de portes forcées et des arrestations. Concernant les détonations qui ont parfois pu être entendues, il s’agissait essentiellement de balles pour casser les vitres et permettre l’envoi de fumigènes dans un appartement depuis l’extérieur. Mais nous ne donnerons pas plus de détails sur cette technique d’intervention. Ne brûlons pas tous les secrets non plus !
Kevin Vaucher
Les soldats du feu perdent des rangs
Le Service de défense incendie et de secours du Val-de-Travers (SDIS) peut s’appuyer sur six sites différents au Vallon. Une centaine de pompiers volontaires sont recensés. Ceux-ci ont d’ailleurs pu pleinement profiter des formations distillées dans les bâtiments inoccupés de Fleurier puisqu’il y a eu jusqu’à 35 personnes lors de soirées d’entraînement. Lors d’urgence, les intervenants se doivent d’agir en dix-huit minutes maximum. Au Vallon, ils sont sur les lieux en dix à douze minutes en moyenne, ce qui est un bon temps de réaction. Ce délai peut notamment être tenu grâce au piquet assuré en permanence par six personnes. Malgré ces excellents chiffres, l’effectif est en baisse depuis plusieurs années.
Les jeunes tendent à moins s’investir ou à davantage se disperser que par le passé selon différentes enquêtes menées sur le sujet. Le major Patrick Piaget me disait qu’il y aurait toujours des pompiers au Val-de-Travers mais si ça continue dans cette dynamique, ce sont peut-être des professionnels de Lausanne ou de Neuchâtel qui finiront par être appelés. Avec des conséquences directes sur le temps de réaction par exemple. Les volontaires font le même métier, les mêmes gestes avec le même matériel que les pros mais ils ne sont malheureusement pas considérés de la même manière. Ainsi, lorsqu’une école ferme, tout le monde s’offusque mais la donne est différente lorsque c’est un site des pompiers volontaires qui devient portes closes. Pour maintenir la flamme locale durablement, un recrutement est organisé le 4 novembre 2021. Le Courrier vous en reparlera d’ici là.