En selle et sur scène
Jérôme Jeannin, libre dans sa tête!
Sur les ondes de la RTS, il est une voix que l’on reconnaît. Parti souvent, toujours revenu, Jérôme Jeannin est ancré au Val-de-Travers. Issu de ce terreau, il n’appartient pas à ces « imbéciles heureux qui sont nés quelque part » décrits par Georges Brassens. Pas chauvin pour un sou, Jérôme ! Homme de culture, humaniste. Homme réservé, mesuré, discret, mais défenseur passionné de cette région, de cette terre trop souvent oubliée, son berceau culturel, sportif et associatif !
Superbe trajectoire
Jérome Jeannin naît à Fleurier en 1973 : « Le 14 mars, comme Bernard Blier et Albert Einstein… » lance-t-il en riant. Un frère aîné, un frère cadet, une famille de sportifs qui vit alors à Môtiers : « Au jardin d’enfants chez Claire-Lise Vouga, une sacrée équipe, Yan Aubert, Loris Vuillomenet, Fabrizio Bagatella et Gabriel Bobillier notamment ! ». Observant une légère boiterie chez Jérôme, ses parents consultent pour découvrir qu’il souffre de la maladie de Perthès, mal de l’articulation de la hanche qui va entraver son enfance : « Des béquilles pendant plusieurs années, un corset de fer pour rétablir le dos, privé de courir alors que j’avais envie de pratiquer le hockey sur glace ! Il a bien fallu s’occuper autrement, j’ai dévoré beaucoup de livres ! ». Lorsqu’il glisse encore « ça laisse des traces dans le corps et l’esprit ! », on devine ses frustrations. Pourtant, dès l’âge de 9 ans, la situation s’améliore, Jérôme commence le hockey sur glace, avec succès puisqu’il devient membre de l’équipe suisse juniors. Soif de sport, il est gardien de football : « J’observe pourtant que le corps n’est pas assez solide pour affronter la vraie compétition ! ». Dès lors, il se dirige vers la formation, entreprend les cours J+S et entraîne les jeunes du CP Fleurier puis les adultes de Couvet et de La Brévine : « Mon père a été mon premier entraîneur et je serai son dernier entraîneur ! » ajoute-t-il avec sourire.
Une scolarité aisée. Jérôme découvre les délices de la scène en interprétant les textes proposés par Jacques-André Steudler : « Avant d’entrer à l’école, je savais tous les sketches de Magdane par cœur ! Donc avec les fables de La Fontaine chez Jacques-André, je me régalais ! ». Au Gymnase, il joue dans le Bourgeois gentilhomme monté par Raoul Jeanneret. Il entre au Groupe Théâtral des Mascarons et interprète nombre de rôles – cabaret, spectacle pour enfants et pour adultes – mis en scène par François Flühmann notamment – avec Dominique Comment et d’autres, en particulier le Capitaine Fracasse monté à l’occasion du 20e anniversaire de la troupe. Baccalauréat en poche en 1991, Jérôme Jeannin ne sait pas trop que faire. Il s’inscrit à l’Université – histoire, anglais et journalisme –. Un stage à Sheffield en Angleterre lui permet de découvrir que scénariste et dramaturge sont de « vrais métiers qui s’apprennent ». Outre son activité au sein du Groupe Théâtral des Mascarons, une autre dimension s’ouvre : le Courrier du Val-de-Travers puis, grâce à Jean-Jacques Charrère, l’antenne de RTN : « Une sacrée belle équipe, David Berger, Julien Hirt, Marcel Neuenschwander et Fabio Payot ! ». Mariage avec Anna, naissance de ses deux filles Olivia et Elena…
Jérôme, la compétence et l’amitié
Alain Thévoz, journaliste à la RTS, parle de son collègue avec admiration : « Jérôme est bien plus qu’un collègue. Comme toute sa famille, il a un cœur gros comme ça ! Plein de magnifiques souvenirs d’amitié avec lui. Un cabaret aux Mascarons, notamment, Jérôme et sa générosité, sa qualité d’accueil. Et surtout, brillant, polyvalent, il sait tout faire, avec beaucoup de pudeur et sa légendaire simplicité ! ». Autre ami proche, Yves Barrelet, membre du Groupe Théâtral des Mascarons : « Plusieurs fois dirigé par Jérôme, il possède une sensibilité artistique qui fait mouche, avec des mises en scène efficaces, grâce à sa rigueur. Le public est toujours au centre de son attention, savoir s’adresser à tout le monde. Lorsque l’on répète, Jérôme fait réfléchir au parcours de vie supposé du personnage afin de donner de l’épaisseur aux personnages. Plutôt taciturne – quel paradoxe pour un journaliste et un comédien – je dirais que Jérôme est de nature généreuse qui s’investit pleinement et pour lequel la dimension sociale prend une place particulière ! ».
Le Val-de-Travers
« En fait, je réalise soudain que j’ai déroulé ma vie sur des opportunités, cependant rarement décidées par ma propre volonté ! ». Jérôme Jeannin dresse ce constat à l’âge de 35 ans : « Dans un pays comme la Suisse, qu’est-ce que je risque ? Je suis donc devenu l’acteur de ma vie et c’est sans doute la décision la plus courageuse de mon existence. Depuis lors, tout est mieux allé ! ». Jérôme Jeannin quitte RTN pour s’inscrire à l’Ecole Serge Martin de Genève – adepte de Yves Lecoq : « Intense et passionnant, théâtre entre 9 h 30 et 13 h 30 et radio à la RTS pour la nuit et le week-end. Avec une famille, il s’agissait d’assurer le coup ! ». Trois ans de formation, plusieurs spectacles professionnels, diplômé de la promotion Rabelais et une activité ascendante au sein de la radio suisse romande : « J’en suis à mon 8e Tour de France pour la radio ! Extraordinaires découvertes d’hommes et de régions ! ». Le vélo… « Escaladant les cols de l’Iseran et de la Croix-de-Fer ou encore la montée à l’Alpe d’Huez, j’ai pris conscience de la dureté de ce sport. La persévérance, la patience… Longtemps derrière les jambes de mon père ! Aujourd’hui, je suis devant, c’est le cycle de la vie ! » ajoute-t-il, lui qui effectue, avec ses collègues de la radio des périples annuels : « Thonon-Menton, la grande traversée des Alpes, les Pyrénées, Trieste-Coire, etc… Un immense plaisir les vacances à vélo, pédaler, transpirer et manger ensemble ! ».
Vrai d’abord, libre ensuite !
« On est de son enfance, pas de son pays ! » … Jérôme Jeannin infirme et confirme l’adage. Inéluctablement, son enfance l’a marqué en même temps qu’elle l’a façonné. Evidemment, le fait d’avoir quitté le Vallon pour mieux y revenir l’a sans doute ancré davantage encore dans ce terreau culturel, sportif et associatif qui est le sien. Là où il laisse sa marque ! La hauteur de son humanisme camouflé par sa discrétion, sa pudeur et sa simplicité, tout à la fois. Jérôme a trouvé son équilibre : la famille, le travail, le théâtre et le vélo… Le vélo, sa respiration, au sens de Conan Doyle : « Quand ton moral est bas, quand le jour te paraît sombre, quand le travail devient monotone, quand l’espoir n’y est pas, grimpe sur un vélo et roule sans penser à autre chose que le chemin que tu empruntes ! ». Une chance pour le Vallon de compter parmi ses citoyens, un homme de cette trempe ! Jérôme, un entrepreneur, un bâtisseur, un ambassadeur…
Coup de cœur
Un hommage à cette vingtaine de filles qui pratiquent le football sous l’égide du Groupement du Val-de-Travers : « Cet engouement est quelque chose de génial ! Il faut féliciter ces filles d’abord, sans oublier l’équipe de bénévoles qui les entourent ! ».
Coup de gueule
Le coup de gueule, à plusieurs niveaux : « Sur un plan plus général, j’ai été consterné par cette récente prosternation devant la couronne britannique ! Je déteste cette idolâtrie. Autre angle, en opposition au titre de cette rubrique, je déteste les «destructeurs ! Les attaques contre la SSR, cette radio et cette télévision qui contribuent à la cohésion nationale et qui façonnent la Suisse romande, sont destructrices ! Navrant… ».
Claude-Alain Kleiner