Le crime du « Vapeur-Express »
Samedi 28 octobre, plusieurs signalements nous font mention d’un corps retrouvé dans un état de délabrement avancé non loin du dépôt du VVT (Vapeur Val-de-Travers). Nous arrivons quelques minutes plus tard sur les lieux et il y règne comme une ambiance de chaos. Sur les rails, une locomotive hurle à la mort et crache de la vapeur dans tous les sens. De la fumée, il émerge des zombies, des sorcières à l’allure inquiétante et des clowns qui n’ont rien de bien rigolo. Mais que se passe-t-il à Saint-Sulpice ? Enquête !
Sans avoir le temps de réagir, un flot de 180 personnes nous emporte dans l’un des wagons du train de l’après-midi. L’atmosphère du lieu est tout aussi inquiétante. Des créatures peu ragoûtantes et un tas d’autres désagréables surprises hantent les lieux. Sur la droite, une ouverture rectangulaire semble donner sur une cuisine. Jacques, Roland et Philippe s’activent pour faire sortir des plats froids qui ont l’air tout à fait appétissant.
De la cuisine débute le balai des serveuses
« Et ce soir, il y a un autre train de prévu où on va servir des fondues pour une centaine de passagers. Ça va être autrement plus sportif en cuisine », dégainent les trois « morts-vivants » pourtant pleins de vie. Dans le désordre ambiant qui nous entoure, le wagon-cuisine semble anormalement calme. Tout est à sa place. « C’est fonctionnel, on fait même directement la vaisselle sur place. » Pour eux, l’horreur se matérialise par des caquelons dans lesquels croche une bonne couche de croûton. « C’est l’enfer à nettoyer. » En parlant d’enfer, il serait bon de poursuivre l’enquête maintenant. Nous remontons donc le convoi wagon après wagon. Mais notre avancée est souvent freinée par le balai des serveuses munies de leurs plateaux débordant de provisions.
Manœuvre au cœur de la fournaise
Quelle habileté pour ne rien faire tomber, de vraies équilibristes sur leur fil ! « Elles ont d’autant plus de mérite que le train bouge pas mal et qu’elles n’ont pas beaucoup de temps pour servir tout le monde », précise Maxime. À 23 ans, c’est lui le chef de train du jour dans sa dégaine de zombie. Après 35 minutes de circulation, le « train fantôme » s’arrête à Travers pour 45 minutes.
Le temps de déplacer la locomotive de l’avant vers l’arrière du convoi pour repartir en direction de Saint-Sulpice. Je me faufile dans l’habitacle pour suivre la manœuvre auprès de Florian, Oleg et Pablo. Ce dernier est obligé d’appeler Lausanne pour que l’aiguilleur change la trajectoire des rails et nous permette de contourner les wagons. Nous sommes en plein vent, entre 1.7 tonne de charbon crasseux et une chaudière qui atteint 1600 degrés. Mais les trois hommes adorent ça.
Les fous du mois d’octobre
Pablo Hoya baigne dans cette atmosphère depuis l’âge de 10 ans. Il en a 27 aujourd’hui et sa famille l’accompagne dans cette folle passion. « Ma femme s’occupe de la boutique à souvenirs et ma fille Kaëlla aime déjà beaucoup les trains. Petite précision : elle n’a qu’une année et deux mois », décoche-t-il. Nous repartons de la gare de Travers. Dans le train, l’enquête s’enlise.
Les 180 passagers et les 20 membres d’équipage ont tous des têtes de suspect potentiel. Mais au fait, où est le corps ? Nous revoilà à Saint-Sulpice, nous n’allons pas tarder à le savoir ! La vapeur s’est maintenant dispersée et j’aperçois au loin un grand panneau où il est écrit « journée spéciale pour Halloween ». Fausse alerte, ce sont encore les fous du mois d’octobre qui ont frappé. Allez, on remballe !
Kevin Vaucher