La Société d’Émulation en manque… d’émulation !
Quel est le comble pour un boulanger ? C’est d’être dans le pétrin ! Bravo, merci ! Plus sérieusement, quel est le comble pour la Société d’Émulation du Val-de-Travers ? C’est d’être en manque d’émulation. Peut-être même que vous ne la connaissez pas. Pourtant, son rôle est justement de faire connaître, de soutenir et de faciliter l’accès à la vie culturelle et artistique aux Vallonniers. Parfaitement conscient de l’anomalie de la situation, les responsables de la société lancent un appel à l’aide : « Que faire pour bien faire ? »
Fais le mal et tout le monde en parle, fais le bien et personne ne s’en souvient. C’est un peu le constat que pourraient tirer les membres du comité de la Société d’Émulation du Val-de-Travers. Le président René Vuillemin et la trésorière Pierrette Bobillier résument bien la situation en quelques mots. « Les gens ne savent pas du tout qu’on existe alors que c’est pour eux que nous existons. Il faut admettre qu’on communique très peu voire pas du tout. »
Qui ne dit mot, s’éteint !
Cette société a été fondée le 21 janvier 1859. Et si elle a su adapter ses actions à l’évolution de la société, passant d’un support à l’instruction et à l’érudition vers un soutien plus large à la culture, elle n’a pas su répondre au besoin moderne de communiquer pour exister. Face au flot d’informations continu actuel, face à la démocratisation d’internet, face au développement des plateformes numériques facilitant l’accès à la culture, la Société d’Émulation a été débordée et elle s’est peu à peu éteinte dans l’esprit des gens. Voilà pour le constat.
Près de 500 membres en 1982
« Dans les faits, la diminution de nos membres veut tout dire. Il y en avait près de 500 en 1982, 320 en 2009 et plus que 150 actuellement. Et encore, on peut réduire à une cinquantaine de personnes le nombre de membres véritablement intéressés par nos propositions. » Pour rester dans le domaine de la boulangerie, on pourrait dire que la pâte à pain ne lève plus. Puisqu’on parle de propositions, quelles sont-elles exactement ? « Chaque année, on sélectionne une petite dizaine de spectacles du théâtre du Passage (le prochain a lieu ce soir jeudi et le suivant le 2 avril) et on propose un tarif préférentiel ainsi que le transport aller-retour gratuit pour nos membres par exemple. »
Cotisation annuelle de 25 francs
Une chose est sûre, ce n’est pas la cotisation de 25 francs par année (par personne ou par couple) – rapidement amortie – qui est le problème du non-succès de cette offre. La Société d’Émulation propose également des voyages culturels plus loin à la ronde. « Au mois de juin, nous avons mis sur pied un car pour aller assister au spectacle de Karl’s Kühne Gassenschau à Saint-Triphon. Mais sur les 50 places pré-réservées, seulement 40 ont trouvé preneurs. » Ça va, ça pourrait être pire. « Effectivement, le pire, nous l’avons connu lors de notre dernière assemblée générale où nous étions six (!!!) à répondre présent. »
5000 francs d’aide par année
Pourtant (c’est un adverbe récurrent dans cet article, ce qui prouve que la société effectue de bonnes actions dans les faits), la Société d’Émulation aide bon nombre d’acteurs plus ou moins directs de la culture comme les Mascarons, la ludothèque, les Évasions musicales, l’édition de livres en lien avec le Vallon et l’activité du cinéma Colisée. « Au Colisée, on propose d’assister à des opéras et à des ballets en différé. Nous avons donné 1000 francs pour cette action par exemple. » Les exemples comme ça, Pierrette Bobillier et René Vuillemin peuvent les multiplier. « Mais comme on ne le dit pas, personne ne le sait. » C’est fait désormais ! Chaque année, ce sont 5000 francs qui sont ainsi versés en soutien à la culture.
800’000 francs de soutien en 45 ans
Une fondation a été créée en 1964 afin de gérer les fonds de la société. Jusqu’en 2009, celle-ci a déboursé 800’000 francs, via des dons réguliers, pour favoriser la vie culturelle régionale. Mais, trop de discrétion, plus assez de « personnalités fortes » et manque de jeunes expliquent pourquoi la voix de la société ne porte plus. De plus, l’animation de la vie culturelle, ainsi que le regroupement des forces artistiques du Val-de-Travers, sont maintenant à la charge du Centre culturel. En poussant volontairement le trait, on pourrait résumer la situation ainsi : à trop s’effacer, la Société d’Émulation s’est fait remplacer. Pourtant (encore un), un fonds inaliénable de 420’000 francs, versé par la famille Dubied, subsiste. Et l’envie de bien faire aussi. Alors que faire pour ? Ce réinventer ? Se rapprocher du Centre culturel ? La question est ouverte…
Kevin Vaucher