Inside Val : La semaine décisive (2 sur 2)
La semaine passée, vous avez découvert la première partie de la semaine de formation que jʼai suivie au centre de formation pour sapeurs-pompiers du 3 au 7 mai. Avec moi, une dizaine dʼautres recrues du Val-de-Travers et une quarantaine venues de tout le canton. Nous étions au troisième jour de cours, au moment dʼaborder la redoutée marche de formation. En avant !
Jour 3 bis : lʼheure de la marche
Après le coup de chaleur dans la maison du feu que je vous ai décrit la semaine passée, cʼest la fameuse marche de formation qui nous attendait en fin de troisième journée. Beaucoup la craignaient sans vraiment savoir à quoi sʼattendre. Ce flou dans ce qui nous attendait a été une constante durant ces cinq jours. Cela avait notamment pour but de nous maintenir dans une zone dʼinconfort sans anticipation possible. à 17 h tapantes, les six classes sont montées dans les six bus dʼéquipages et nous avons été déposés au centre de Môtiers. Cap sur la buvette du Plat de Riau. Que de la montée, sous la pluie, sur un terrain glissant et en tenue feu complète. Pour donner un brin de piment supplémentaire, chaque classe a dû déployer un tuyau et lʼaccrocher au suivant pour ne former quʼune longue conduite qui ne devait jamais se désolidariser. Nous devions la porter jusquʼen haut. La classe 3 ayant oublié son tuyau, elle a eu le bonheur de porter une échelle (reliée aux tuyaux des autres classes). Après quelques mètres, jʼai aperçu une jeune recrue déjà en difficulté dans le port de lʼéchelle.
Jour 3 bis : lʼéchelle de la mort
Du coup, je lui ai naturellement proposé de prendre sa place, ce quʼelle a accepté avec soulagement et remerciement. Nous nʼétions pas de la même classe mais nous étions dans le même bateau. Cette solidarité est une valeur essentielle dans le milieu des pompiers. Avec cette échelle à porter, les virages ont été très « chauds » à négocier. Je me suis retrouvé plusieurs fois à un pas du vide. Dans les montées, ça patinait. Beaucoup nʼavaient pas prévu les bonnes chaussures, dʼautres ont eu du mal avec le cardio. Toute la colonne des recrues était bloquée par ceux qui patinaient dans la pente. Après les avoir aidés à passer les plus forts pourcentages de pente, place à nous avec lʼéchelle sur les bras. Jʼai décidé de prendre les devants en donnant un gros coup de collier et en tirant lʼéchelle en ouvreur. Soudain, le poids se fait plus lourd, je me retourne et jʼaperçois quʼon est plus que deux à la porter et à la tirer. Tous les autres sont au sol. Tiens, je constate que lʼautre « survivant » est aussi un Vallonnier. Cʼest Jonathan Ladner. Le Val-de-Travers est solide sur ses jambes !
Jour 4 : le terrible container à gaz
Après trente minutes de montée et dʼeffort, cʼest au pas de course que nous décidons de parcourir les derniers mètres de pente en encourageant les autres à faire de même. Ce que chacun a fait avec plus ou moins de facilité mais toujours avec une farouche volonté. Les instructeurs, eux, étaient déjà en haut. Privilège de lʼexpérience, cʼest en bus quʼils ont atteint la buvette du Plat de Riau ou un débriefing complet sur le début du cours a été réalisé avant quʼun apéritif ne soit offert au cœur de la forêt. La journée sʼest terminée par un repas au centre de formation. Tout cela nous a menés à 22 h 30, pour les plus raisonnables. Le quatrième jour a été marqué par un nouveau passage dans le « container gaz ». Cʼest un espace idéal pour travailler lʼapproche et la maîtrise dʼun feu dans un espace clos. Qui dit espace clos dit forcément accumulation de chaleur. Il faut donc veiller à ne pas asperger le foyer plus que nécessaire pour éviter un surplus de vapeur brûlante. Certains se sont fait surprendre et sont ressortis littéralement « en eau » du container gaz.
Jour 4 bis : un pompier qui sʼécroule devant nous
Alors que lʼon vient de terminer notre passage dʼune heure trente au container gaz, stupeur ! Un pompier sʼécroule à quelques mètres de nous ! Il faut réagir et voir sʼil respire. Deux membres de notre équipe sʼoccupent de lui et préparent le défibrillateur. Puis il se relève, tout sourire. Cʼétait un test, un de plus ! Ils nous avaient prévenus, la formation ne sʼarrête jamais cette semaine. La fin dʼaprès-midi coïncide avec un retour par la maison du feu où dʼautres de nos capacités vont être testées. Je suis en position de porte-lance et nous voyons de la fumée sortir dʼune fenêtre. Il faut entrer voir ce qui se passe. Mais la porte est fermée.
Jour 5 : triple départ de feu à maîtriser
Nous rampons pour pénétrer à lʼintérieur. Une première équipe sʼoccupe de lʼétage, je décide de descendre au rez-de-chaussée avec mon porte-lance, Melissa en appui. Feu dans le salon ! Ok, jʼouvre la lance pour maîtriser le feu. Feu maîtrisé ! Mais un autre foyer se déclare dans la cuisine. Ok, je lʼattaque. Feu maîtrisé ! Puis lʼescalier pique feu à son tour, le temps de me retourner et les deux précédents foyers sont à nouveau en flammes. Juste le temps de mʼen occuper quʼun pompier pique du nez. Il faut le sortir du lieu du sinistre en priorité. Nous le sortons. Il est sauvé et la mission est terminée avec succès !
Le dernier jour nous a réservé encore de belles surprises avec notamment un feu de voiture à maîtriser. Puis un exercice en commun avec une autre classe (environ dix-huit pompiers engagés). Un feu sʼest déclaré dans lʼentreprise MTE et il a fallu intervenir pour le maîtriser en se coordonnant au mieux et en apportant de lʼeau des bornes hydrantes aux lances en trois minutes maximum.
Bilan : une « colo » qui fait grandir
Mais imprévu total, la conduite traversant la route à côté dʼespaceVal a explosé et bloque, de fait, le trafic routier, en plus dʼagir négativement lʼapport en eau pour éteindre lʼincendie. Ce nʼétait vraiment pas prévu dans le scénario, la conduite a vraiment explosé. Cʼest moi, accompagné par Valentin, qui ai dû remplacer en quatrième vitesse le tuyau dʼalimentation pour que lʼexercice puisse être mené à son terme dans les temps. Voilà qui résume bien cette semaine complètement folle, qui avait parfois des airs de colonie de vacances, mais qui nous a finalement fait grandir. Alors oui, certains en ont bavé un peu, capitaine Fink, mais ça valait largement le coup.
Kevin Vaucher