Vie associative
100 visites en un week-end
La chanteuse Lynda Lemay chantait il y a 25 ans « je veux pas de visite. Parce qu’la visite, c’est pas futé, ça fait du bruit, puis ça grignote… le problème, c’est qu’ça s’attache et ça coûte une fortune en pistaches. » Eh bien Sabine Picard veut de la visite ! Et elle en a eu tout le week-end dans le cadre des dix ans de son atelier Pic’s Art. La peintre néraouie a exposé ses œuvres et celles de ses élèves, samedi et dimanche après-midi, dans sa maison de Noiraigue. Des heures durant, une centaine de visiteurs ont donc poussé la porte de chez elle pour se faufiler dans le salon, en passant par l’étage et le jardin avant d’arriver dans la cuisine. Petit tour du propriétaire.
Ce dimanche en fin d’après-midi, j’arrive à la rue des Rettes 29 à Noiraigue. C’est là que vit Sabine Picard, son mari et un de leurs trois enfants (leur fille Eva). C’est là aussi qu’elle a installé son atelier de peinture, dessin et arts plastiques. Et c’est donc encore là qu’elle exposait durant le week-end.
Je m’y sens bien et je n’aurais pas pu fêter les dix ans de Pic’s Art ailleurs,
résume-t-elle. Non loin de l’entrée, dans le jardin, son mari Jean scrute les nuages noirs qui s’accumulent au-dessus de nos têtes avec un air inquiet. Les tableaux extérieurs risquent-ils d’être rincés ?
C’est le risque et il faudrait tous les rentrer à temps. Mais pas de problème, j’ai prévu un plan de repli express en cas de besoin,
se rassure le prévoyant père de famille. Finalement, le fin tacticien n’a pas eu à déployer son plan, les œuvres sont passées entre les gouttes jusqu’au bout. Ce qui a permis à soixante personnes le samedi, et à quarante autres visiteurs le dimanche, de rester au sec tout au long de l’exposition.
Et maintenant, « je veux pas de visite » ?
En cette fin de journée dominicale, les portes ouvertes vont bientôt se refermer. Il y a encore quelques personnes sur la terrasse, un couple sur la partie « expo » derrière la maison et un autre couple à l’intérieur de la maison. Olivier D. Barrelet est aussi dans les parages pour soutenir son amie. Ils exposeront ensemble du côté de La Noctule en juillet. Alors Sabine, après deux après-midi de visites, avez-vous rallié le camp de Lynda Lemay ?
Et non ! C’est moi qui les ai voulues ces visites. Je suis particulièrement contente des échanges qu’il y a eu entre nous et entre visiteurs eux-mêmes. Ils ont été agréablement surpris du cadre. C’est de l’art sur la nature en pleine nature. Les gens ont pris le temps d’apprécier. Certaines personnes ont entendu parler de cet événement grâce à votre article dans le Courrier et elles ont découvert mon travail. Partager, c’est l’une de mes motivations alors je ne peux être que ravie de ce week-end.
Un tableau qui fait tilt !
Et l’une des forces de ce concept de portes ouvertes à domicile est de créer un lien privilégié avec l’artiste. Il devient aussi votre hôte et ça ouvre davantage le dialogue.
Ils m’ont posé beaucoup de questions sur mon travail mais aussi sur moi et mon parcours.
Ça délie les envies également. La peintre a vu partir plusieurs de ses créations avec ses invités de passage.
Il y a eu des coups de cœur et il y a aussi des gens qui ont souhaité prendre 24 heures de réflexion avant de se décider. Vous savez, une œuvre fait tilt chez quelqu’un car ça lui rappelle un souvenir d’enfance, un moment de sa vie ou un chapitre de son existence. Il faut parfois se poser la question : est-ce que j’ai envie d’être interpellé sur ce sujet en achetant tel tableau ?
Ses tableaux, Sabine Picard les crée souvent à partir de paysages qu’elle observe. Elle s’accorde néanmoins le droit de les réinterpréter avec sa poésie et son ressenti.
« Je veux être hors-cadre »
La Belge d’origine a beaucoup travaillé sur toile mais elle semble en train de négocier un tournant artistique.
Je quitte la toile ! Je vois que je réalise de plus en plus d’œuvres sur bois et sur papier (aquarelle) depuis deux ans. J’aime toutes les perspectives qu’offrent ces matières. La toile ne m’interpelle plus donc je préfère l’abandonner. C’est aussi un besoin de sortir du cadre. Avant j’étais dans le carré des toiles et maintenant je veux être hors-cadre, comme la nature. Personne ne peut la cantonner dans un cadre. Exposer en extérieur, c’est aussi une façon de sortir d’un cadre si on veut bien.
Il est vrai que ce parcours artistique n’entre dans aucune forme d’exposition conventionnelle et c’est ce qui a été apprécié par les visiteurs présents samedi et dimanche chez la famille vallonnière. Les Picard ne laissent définitivement pas de glace. Et le budget pistaches dans tout ça ?
Kevin Vaucher