Le chevalier du Val-de-Travers sort lʼarmure
En duel avec le chevalier du Vallon (2 sur 2)
La semaine passée, vous découvriez ma traque du chevalier du Val-de-Travers dans les hauts de Couvet. Après lʼavoir débusqué dans son immense demeure, pour ne pas dire château, il mʼavait accueilli par un combat à lʼépée. Ayant survécu au duel de bienvenue, jʼai gagné respect et droit de passage sur sa propriété. La deuxième partie de son interview exclusive est à découvrir cette semaine dans le Courrier.
La semaine passée, nous avions laissé le chevalier Daniel Jaquet pile au moment où il tentait dʼacquérir une copie parfaite dʼune armure du Moyen Âge. Il en avait besoin pour fouiller scientifiquement davantage sa thèse sur cet objet de combat. Dans le monde, il existe seulement dix entreprises capables de fournir une armure de taille réelle reproduisant fidèlement lʼaspect esthétique dʼorigine mais aussi, et surtout, son aspect mécanique. « Les offres que jʼai reçues variaient de 5000 à 100ʼ000 francs. »
45ʼ000 francs sur le dos
Grâce au soutien dʼune fondation, Daniel Jaquet a pu taper en plein milieu.
Lʼarmure que nous avons sélectionnée vaut 45ʼ000 francs. Cʼest le prix dʼune belle voiture mais ce nʼest pas un jouet. Je la considère vraiment comme un objet de travail.
Le biologiste a son microscope et le chevalier a son armure ! Mais quʼon ne sʼy trompe pas, Daniel Jaquet ne gagne pas sa vie en entrant dans lʼuniforme du chevalier. Il lʼutilise principalement à des fins pédagogiques, avec des élèves ou pour des musées.
Jʼai besoin dʼun but concret quand je fais des démonstrations. Jʼai plaisir à démonter les idées reçues sur lʼarmure et à expliquer les techniques martiales dʼépoque.
200 livres pour apprendre à se battre comme à lʼépoque
Lorsquʼil sʼentraîne avec son armure, il peut lʼenfiler en 5 minutes chrono (avec lʼaide dʼun initié), en 45 minutes (avec un non-initié) ou en une bonne heure (avec des enfants). Elle pèse « à peine » 26 kilos. Et le chevalier du Val-de-Travers a la chance de mesurer à peu près la même taille que celui pour qui lʼarmure dʼorigine avait été construite. Pour apprendre les techniques du Moyen Âge, il a quand même dû ouvrir quelques bouquins.
Cʼest incroyable ! Tout est répertorié dans 200 livres. Cʼest comme ça que jʼai appris à me battre comme à lʼépoque. Chaque mouvement dʼattaque et de défense est expliqué. La matière est tellement dense que mon directeur de thèse mʼa demandé de choisir un seul sujet dʼétude. En lʼoccurrence jʼai choisi les armures car cʼest un objet fascinant et infranchissable pour une épée.
Partenaires dʼentraînement à lʼétranger
Cette robustesse explique pourquoi les combattants cherchaient à viser les parties potentiellement à découvert comme les aisselles ou lʼespace entre le buste et le casque. Cʼest notamment pour éviter les coups de lame à la gorge quʼune protection supplémentaire avait été ajoutée à lʼencolure de lʼarmure.
Elle a évolué avec le temps et les techniques de combat, cʼest ce qui rend son étude si intéressante.
En Suisse, il existe une Fédération internationale pour les arts martiaux historiques européens et il y a une quinzaine de groupes actifs sur le sujet.
ça représente environ 200 adeptes mais très peu maîtrisent le duel médiéval. Du coup, je dois souvent me rendre à lʼétranger pour trouver des sparring-partners.
La télé japonaise le courtise
Il faut préciser que Daniel Jaquet a sa petite notoriété à travers le monde. Il a publié plusieurs écrits scientifiques sur la chevalerie et lʼart martial. Il a aussi réalisé quelques vidéos avec son armure lorsquʼil travaillait au Musée nationale du Moyen Âge de Paris.
Jʼavais fait ça dans le cadre dʼune exposition, avec deux-trois bouts de ficelle. Puis je les avais ensuite postées sur YouTube et cʼest là quʼelles ont vraiment eu du succès.
Aujourdʼhui, plus de cinq millions de personnes les ont visionnées. La télévision japonaise lʼa récemment contacté pour utiliser ses images. Lʼépée et lʼarmure, ça marche partout !
La valeur symbolique de lʼépée
À lʼépoque déjà, lʼépée avait une grande portée symbolique, même pour ceux qui nʼétaient pas chevaliers. Apprend-on ainsi quʼun tisserand se faisait amender sur un marché, à la fin du Moyen Âge, pour ne pas avoir porté son épée. On lui reprocha dʼavoir mal représenté la corporation des tisserands qui devait montrer, comme les autres, quʼelle défendait sa ville. Le fait de porter une épée permettait de le montrer et de se valoriser socialement. Je comprends mieux le duel de bienvenue par lequel je suis passé pour avoir accès au chevalier du Val-de-Travers, il voulait savoir si je savais me défendre et si jʼétais digne de le rencontrer. Par lʼépée tout se gagne, telle pourrait être la devise des chevaliers !
Kevin Vaucher