C’est quoi ce «pont suspendu» à Travers?
Dans le cadre des travaux colossaux entrepris sur les chemins de fer du Val-de-Travers, la zone du pont de Travers est particulièrement intéressante. Situé peu avant la halte de La Presta, il permet d’enjamber l’Areuse de part et d’autre. Près de deux millions de francs ont été investis par TransN pour le renouvellement en profondeur de la structure. Celle-ci a notamment été surélevée d’un mètre cinquante pour lui appliquer différents traitements anticorrosion. Elle a été emballée de bâches imperméables afin de ne pas polluer l’Areuse. La manœuvre a été un succès et le pont a retrouvé la terre ferme sans turbulence…
Débutés en juillet, les travaux du pont de Travers vont se terminer dans quelques semaines, à la mi-novembre. Cette échéance est fermement attendue par les employés… de la gare de Couvet. Le chef de projet Oscar Muñiz s’en explique : « La mise en service de ce tronçon va permettre à des trains de chantier d’acheminer du matériel directement en gare de Couvet où un très grand chantier est actuellement en cours. » L’ouverture au trafic attendra en revanche encore plusieurs mois.
120 tonnes surélevées
Sur cette zone près du pont, un nombre impressionnant d’entreprises travaillent main dans la main chaque jour. « Il y a parfois une douzaine de personnes en même temps sur ce petit espace et il faut faire attention. » L’accident mortel survenu sur le chantier de La Clusette est bien sûr dans toutes les têtes. Et en termes de défis spectaculaires et dangereux, le pont de Travers possède de solides arguments : « Il a notamment fallu soulever la structure de 120 tonnes à 1.5 mètre de hauteur afin de lui faire subir un traitement anticorrosion. Nous l’avions enveloppé de bâches imperméables pour récupérer les résidus et empêcher qu’ils finissent dans l’Areuse. » C’est un système de vérin hydraulique qui a permis cette opération.
Pourquoi n’a-t-il pas été remplacé
Voilà un nouvel élément d’histoire pour ce pont créé en 1893 et changé au début des années 1970. Il était temps de lui donner un bon coup de spatule. « Nous avions plusieurs options dont celle qui consistait à le remplacer intégralement. Cela aurait coûté trop cher car nous aurions dû rehausser la structure de 1,7 mètre (pour faire face aux crues) », explique Oscar Muñiz. Cette option aurait aussi engendré l’élévation des voies sur plusieurs centaines de mètres ainsi que le quai de La Presta qui a été rénové récemment. « Bref, nous avons privilégié la seconde possibilité qui était de prolonger sa durée de vie de 40 à 60 ans. » Ce choix est aussi une façon d’anticiper un potentiel futur changement de trace sur ce secteur.
Une nouvelle trace à futur ?
« L’idée de tirer tout droit jusqu’à la zone industrielle de Couvet a été avancée. Cela offrirait l’avantage de réaliser un arrêt plus proche des usines, ce qui bénéficierait principalement aux travailleurs de tous les jours. Actuellement, ce sont essentiellement les touristes qui ont la priorité, avec une halte tout près des mines d’asphalte. » Entre des touristes occasionnels et des travailleurs quotidiens, qui sont les plus susceptibles de faire 300 mètres supplémentaires à pied ?
C’est la question à laquelle devront répondre les futurs responsables de travaux puisque le choix du statu quo a été privilégié aujourd’hui. « Cela laisse le champ des possibles ouvert aux générations à venir, d’ici 40 à 60 ans. » Pour en revenir à la question des crues, il faut dire que c’est pour cette raison qu’une coque de protection arrondie a été fixée à l’avant du pont de Travers.
Le « paquebot » ne prendra pas l’eau
« Cela le protégera des matériaux charriés par la force du courant, comme des troncs par exemple. » Des grilles protectrices ont aussi été ajoutées sous la structure qui a des airs de paquebot désormais. Sur le pont, les traverses habituellement en bois, en acier ou en béton ont été remplacées par des éléments en fibre de verre résinifiée. « C’est une nouveauté chez TransN. Elles sont plus légères, facilement usinables et imputrescibles, ce qui est important au-dessus d’une rivière. » Et si vous vous demandez pourquoi il y a deux voies parallèles sur le pont, la réponse coule de source pour Oscar Muñiz : « Il s’agit d’une sécurité en cas de déraillement. Les roues sont stoppées par la deuxième voie et évite que le train ne s’égare. » Si vous avez le mal de mer, soyez rassurés, le paquebot n’est donc pas prêt à prendre l’eau…
Kevin Vaucher