Buttes, bientôt capitale des combats clandestins ?
L’atmosphère est lourde, l’air est embrumé et l’environnement se veut sombre, presque hostile. Il règne comme une ambiance clandestine. De l’opacité qui couve cette nuit de février, on ne distingue guère que des chiens aux crocs menaçants, encordés par des agents de sécurité au look d’anciens délinquants. Au fur et à mesure qu’on avance dans ce lieu mal famé, on croise de plus en plus d’individus encagoulés. Même ici, il ne fait pas bon être reconnu. Tout à coup, un voile blanc se lève et nous voici plongés au cœur d’une arène ou l’on combat à mains nues. Nous ne sommes pas dans une banlieue moscovite mais c’est bien à Buttes que l’on gravite !
Autour de nous, une foule de cabossés de la vie entoure les combattants. Les cris se font de plus en plus insistants et « la meute » assoiffée demande de plus en plus de sang. Fin de l’affrontement, les poings sont rangés et les têtes bien amochées. Place au massacre suivant. L’un des deux prochains guerriers en lice s’appelle Steve Chappuis. C’est un colosse qui découvre ce monde afin d’amasser de l’argent pour sauver la ferme familiale. « Et…. coupez ! »
De la lutte aux combats clandestins
Il ne s’agirait pas de vous « spoiler » la suite du film « Passez l’Hiver », que vous découvrirez en janvier 2024 ! Car ce qui précède s’agit bel et bien d’un décor de film. Nous sommes bien une nuit de février et c’est bien à Buttes que ça se passe. Plus précisément dans l’énorme hangar de la brocante Vérisia. « C’est un lieu incroyable, qui dégage vraiment quelque chose de fort. C’était parfait pour y tourner des scènes de combats clandestins », dévoile le directeur de production Nicolas Zen-Ruffinen. Ce film retracera effectivement la vie d’un jeune paysan, champion de lutte suisse, qui va être poussé dans le monde des combats clandestins par son frère lorsque celui-ci sort de prison.
Une violence qui s’explique
S’ils décident de prendre cette voie, c’est pour sauver (de la faillite) l’exploitation familiale qu’ils ont héritée au décès de leur père. La violence mise en scène dans cette histoire n’est pas « gratuite », elle vise à rendre compte de la mort programmée de la paysannerie et de la violence ordinaire dans laquelle se complaît notre société. « Un monde sans pitié et rongé par la crise où la précarité gagne continuellement du terrain. C’est autant une réflexion sur la violence du monde du travail que sur celle qui définit les combats clandestins », évoque le réalisateur Pierre Monnard. Le Fribourgeois cherchait deux fermes pour servir d’environnement de base à son film. C’est à Sainte-Croix et au Mont-de-Buttes qu’il les a trouvées.
Le travail du « repéreur »
C’est ce qui explique pourquoi il a décidé de tourner cette coproduction franco-suisse dans notre région. « Une fois que les deux fermes ont été trouvées, on a engagé ‹ un repéreur › pour trouver des lieux correspondant à nos besoins dans la région. Mais on va aussi aller tourner à Marseille dans quelques jours car les combats clandestins se passent en banlieue française », reprend Nicolas Zen-Ruffinen. Lundi, à Buttes, l’équipe en
était au seizième jours de tournage. Elle a aussi tourné différentes scènes dans les rues de Fleurier, hier. Il faut savoir qu’une journée de tournage permet de créer trois minutes de film environ. Le tournage prendra fin le 6 mars.
Plusieurs millions de budget
Suivra alors plusieurs mois de post-production (montage, correction des couleurs, musique,…). Le budget du film est un peu inférieur à la moyenne suisse qui se situe à 3.5 à 4 millions de francs. « ça peut paraître beaucoup mais c’est pas grand chose par rapport à la France (15 à 20 millions) ou aux États-Unis (50 millions). » L’Office fédéral de la culture et les cantons soutiennent généralement le cinéma suisse à travers la Fondation Cinéforom notamment. « Vous savez, quand on réalise un film on est un véritable petit cirque itinérant avec une quinzaine de véhicules, des remorques, des camionnettes, un poids lourd et passablement de monde pour faire tourner tout cela. »
400 figurants et 21 rôles principaux
Je confirme sans peine. Dans la Vérisia et dans ses abords, un monde fou se côtoyait, durant la nuit de tournage, qui a duré de 19 h 30 à 4 h du matin. S’il y a dix personnes devant la caméra, vous pouvez être sûr qu’il y en a au moins le triple derrière elle. « C’est particulièrement vrai pour ce film où nous faisons tourner plus de 400 figurants et 21 rôles principaux. En plus de l’équipe technique qui compte 35 personnes. » à Buttes, il a été choisi de tourner de nuit afin d’avoir une lumière la plus naturelle et la plus pure possible. Il aurait été possible de tourner en plein jour et d’installer un sas de lumière pour obscurcir la luminosité mais cela se fait plutôt si l’équipe reste plusieurs jours sur place. Mais ça, c’est le combat des techniciens.
Kevin Vaucher