Boulangerie-pâtisserie
Bien cuit mais encore frais, le couple Jeune tire la prise !
Corinne et Philippe Jeune ont tout vécu ou presque à côté de leur four à pain. Ils se sont même rencontrés grâce à leur métier.
La blagueuse Corinne a trouvé son bonheur dans la vente pendant que son boulanger-pâtissier de mari charbonnait à l’arrière. Les amoureux ont fait commerce commun durant 38 ans ! Depuis 2006, c’est sur la place des Halles 4 de Couvet qu’ils tentaient de régaler les papilles. Fin juin, ils devront pourtant apprendre à vivre différemment car la retraite a sonné ! L’avenir du commerce est toutefois assuré.
Pas de panique ! Si vous appréciez les produits de la boulangerie-pâtisserie Jeune, sachez que seuls les patrons quittent le navire. Le personnel poursuivra le « périple de la viennoiserie » avec Quentin Bearzi (27 ans) qui n’est autre que l’employé du couple depuis 5 ans. « J’avais envie de me lancer tout en ne laissant pas tomber notre clientèle. Corinne et Philippe ne m’ont pas mis le couteau sous la gorge pour que je reprenne leur commerce, j’avais vraiment à cœur de le faire », explique-t-il tout en craignant un peu l’impact des travaux de la Grande Rue sur la fréquentation du lieu.
« Ça tombe bien, j’adore causer ! »
« Cela fait longtemps que la Commune nous en parle, il fallait bien que ça arrive un jour », tente de consoler Philippe. Il faut croire qu’elle a eu la classe d’attendre l’annonce de la retraite des Jeune pour lancer les grands travaux… Plaisanterie mise à part, le couple tient à rassurer : « Quentin prépare d’excellents produits et nous avons toute confiance en lui pour poursuivre le travail. On n’aura pas à venir contrôler la qualité de ses croissants », plaisantent-ils tous ensemble. « Tenir un petit commerce, c’est aussi savoir recevoir les gens », ajoute Corinne. Des gens qui viennent volontiers parler de leurs problèmes… « et ça tombe bien, j’adore causer », dit celle qui se remémore instantanément quelques éclats de rire mémorables dans sa boutique.
Début de cette aventure commune : en 1987 aux Brenets
Il n’y a pas de hasard si, aujourd’hui, le couple Jeune a tissé de solides liens d’amitié avec une partie de sa clientèle : il n’a jamais triché : « Sans clientèle, nous ne sommes rien. Nous aimerions remercier chacun des clients qui nous ont suivis durant toutes ces années. » Imaginez, Philippe a débuté le métier à 14 ans et il en a eu 65 le 14 mai dernier. Et le duo s’est formé en 1987 en ouvrant sa première affaire du côté des Brenets. Il s’en est suivi d’autres au Locle, à La Chaux-de-Fonds, aux Ponts-de-Martel, à La Brévine (dès 1991) et finalement à Couvet. Les Jeune ont mis la main à la pâte un peu partout dans la région. « On sait se fondre dans le décor », rigolent-ils. Ils savent aussi fédérer autour de leurs personnalités et de leur amour du travail bien fait. « Mieux vaut privilégier la qualité au reste. Nous avons toujours gardé les pieds sur terre et nous n’avons pas cherché à nous agrandir exagérément. Le besoin des clients a été notre boussole de travail. »
Pour les habitués, la porte dérobée est ouverte toute la nuit
Si les Jeune ne se sont pas perdus en cours de route, ils ont souffert dans leur chair de ce métier exigeant. Leurs corps portent aujourd’hui les marques de ce travail parfois éprouvant qui implique un rythme de vie bien particulier : « Je travaille toute la nuit, de 23 h 30 à 11 h du matin », expose Philippe. Corinne arrive, quant à elle, à 3 h 30. Quentin, qui débarque à 4 h, fait presque office de lève-tard dans cet univers qui ouvre ses portes au public à 4 h 30 (ouverture du magasin). Certains travailleurs de la nuit, comme les policiers, les agents de sécurité et les marchands de bétail, ont un accès privilégié à la « porte dérobée » toute la nuit. « Ils viennent se ravitailler quand ils veulent, ils sont les bienvenus. » L’heure de la dernière fournée approche pour Corinne et Philippe qui resteront habiter au Vallon tout en prenant soin de se dorer la pilule de temps en temps en voyage. Bien cuit mais toujours frais, le couple aura aussi à cœur de s’occuper de ses six petits-enfants. Belle retraite, bien méritée !
Kevin Vaucher