Club Pipe & Whisky
Une bouffée d’élégance passée
Dans la brume moderne, le club « Pipe & Whisky » flotte dans lʼair comme une bouffée dʼélégance. Souvent, ce sont des personnes âgées, un brin aigries, qui grognent que « cʼétait mieux avant ». à lʼinverse, les membres de ce club sont principalement des trentenaires. Ils érigent en exemple le style dʼépoque, lʼesthétisme dʼantan et les valeurs défendues par ceux quʼon appelait encore gentlewomen et gentlemen. Cʼest drapés dans leurs plus beaux costumes du 19e siècle quʼils mʼont reçu avec chic.
Fondé en 2019, le club « Pipe & Whisky » a pour us et coutumes dʼorganiser une « sortie membres » une fois par mois. Cette règle figure même dans la charte officielle du groupe. On ne rigole pas avec les bonnes manières chez ces « gens bien » codirigés par le Covasson Vincent Deluz. Parmi la quinzaine de membres, beaucoup sont passionnés dʼhistoire, certains travaillent dans des musées et tous ont un goût pour la culture suisse. Cʼest ce qui les unit avec la richesse du patrimoine historique helvétique.
Nous sommes loin dʼêtre un grand club comme le Rotary mais lʼune de nos futures causes pourrait être le soutien à des projets culturels,
développe le vice-président.
La prohibition revisitée
Cultiver une société de gentlewomen et de gentlemen, cʼest ce qui a poussé à la création du club.
On organise des salons, comme au 19e siècle. On se retrouve pour échanger nos points de vue, fumer la pipe et boire du bon whisky. On se regroupe une fois par mois pour que nos vices nous tuent à petit feu,
blague le Vallonnier.
Pour moi, cʼest surtout un bon prétexte pour avoir de temps en temps une journée pour bien sʼhabiller,
reprend-il. Avec eux, la prohibition ne concerne pas le noble whisky mais plutôt les jeans, le t-shirt et les chaussures modernes. à chaque rencontre, cʼest chemise et costume pour tout le monde.
Le « beau » ou le « fonctionnel » ?
Bien présenter, grâce à des vêtements dʼépoque, cʼest un plaisir et un challenge à la fois.
On ne tombe pas sur ce genre dʼhabits par hasard, il faut les chercher ou les coudre soi-même. Jʼaime les belles choses et cela me renvoie malheureusement toujours à une époque passée. Aujourdʼhui, on a laissé tomber le « beau » et « fonctionnel » pour ne garder que le fonctionnel. Je trouve que cʼest navrant,
dépose délicatement la Neuchâteloise Maïlys Chopard (26 ans). Son compagnon, Etienne von Gunten, nʼest autre que le président du club. Elle nʼa donc aucun souci à lui faire comprendre cet amour de lʼépoque. Elle peut même le partager avec celui qui fait de la reconstitution médiévale du côté de Genève.
Une bouteille de scotch comme ticket dʼentrée
Souvent, cʼest par le biais des études ou du travail que les membres du club se sont rencontrés. Les seules conditions pour entrer dans le cercle sont dʼavoir un goût pour la culture, lʼélégance, la pipe et le whisky.
Être bien habillé, cʼest plaisant. Mais du bon tabac ou un alcool noble, cʼest sympa aussi,
résume Mathijs Roelofsen. Comme tous les autres membres du groupe, il doit sʼacquitter dʼune cotisation annuelle. Et précision importante, chacun est aussi invité à fournir une bouteille de whisky par année pour honorer ses obligations. Il y a quelques jours, ce nʼest pourtant pas autour de scotch quʼils se sont retrouvés. Cʼest à bord du train du terroir « spécial absinthe » quʼils ont décidé de grimper pour leur sortie mensuelle. Le Vapeur Val-de-Travers constituait le décor idéal pour ces galants hommes et cette sémillante dame.
Des cannes de « self-défense »
Sécheresse oblige, la locomotive est temporairement passée du charbon à lʼélectrique. Pour le charme dʼépoque, cʼest raté ! Mais pas de quoi les décourager pour autant. Cʼest avec deux écossais rencontrés sur le chemin ‒ sans doute les seuls du Vallon, fallait les trouver ‒ et sublimés par des coiffes quʼils ont rejoint le quai de Saint-Sulpice.
Nous avons aussi sorti les cannes,
me lance Vincent Deluz.
En plus dʼêtre un accessoire qui apporte de lʼélégance, cʼétait aussi un excellent moyen de défense au 19e siècle.
Les armes ont été interdites dans lʼespace public et cet objet sʼest alors transformé en arme par défaut en cas dʼagression. Cʼétait lʼescrime dʼépoque,
sʼenjaille celui qui pratique les arts martiaux historiques. Tout bon gentleman sait que le juste usage de la violence est propriété du fort. Seul le faible frappe gratuitement et plus faible que lui. Puisse le monde moderne sʼen souvenir un jour.
Kevin Vaucher