Ukraine : la force des témoignages dʼici !
L’Ukraine à nos portes (partie 2)
La semaine dernière, nous avons posé le contexte général de la guerre en Ukraine. Nous avons aussi avancé que plusieurs familles avaient trouvé refuge au Val-de-Travers pour fuir les combats. Ce sont leurs histoires et leur nouveau quotidien que nous vous proposons dʼapprofondir cette semaine à travers leurs témoignages. Nous étions en pleine discussion avec Olga et sa fille de 20 ans Alexandra. Leur récit atteste à quel point il a été difficile de prendre la pleine conscience de ce qui se passait, jusquʼen Ukraine même. On poursuit.
Au moment où lʼinvasion russe a commencé (le 24 février), la mère et sa fille ont entassé quelques vêtements de ski pour rejoindre lʼouest de lʼUkraine. Pourquoi des vêtements de ski spécifiquement ?
Nous pensions que tout rentrerait dans lʼordre en une semaine et quʼon allait pouvoir skier quelques jours avant de rentrer chez nous, à lʼest du pays.
Le souffle des armes en a décidé autrement et les deux femmes ont dû se résoudre à revoir leurs plans. Elles ont donc débarqué en Suisse le 6 mars avant dʼêtre redirigées sur le centre dʼaccueil de Boudry. Cʼest notamment à partir de là que sont dispatchés les réfugiés ukrainiens lorsquʼune solution de logement est trouvée.
« Presque comme à la maison »
Dès quʼelles ont posé le pied sur le sol suisse, Olga et Alexandra ont été surprises par la générosité des habitants.
Nous avons reçu de quoi nous habiller instantanément. Les gens nous donnaient leurs habits neufs, je nʼy croyais pas. Puis jʼai rapidement vu que des Suisses accueillaient directement chez eux des Ukrainiens et des Ukrainiennes. Pour être honnête, je ne pense pas que nous aurions été si ouverts au pays si nous avions dû faire entrer des réfugiés chez nous,
imagine la mère de famille. Maryna se veut plus enthousiaste encore et relève lʼextrême bienveillance des Vallonniers, nʼhésitant pas à déclarer « se sentir presque comme à la maison. » Le sens de lʼhospitalité de la partie alémanique est aussi salué, même si cʼest un autre type dʼaccueil. Quelquʼun a dit plus froid ?
Comment se faire comprendre ?
Mais aussi chaleureux fut-il, ce moment de bienvenue nʼa évidemment pas chassé toutes les craintes et les interrogations des familles déplacées.
Bien sûr, on se demandait constamment ce qui se passait en Ukraine, comment nos proches vivaient et sʼils allaient bien. Mais nous avions également des questions plus immédiates comme comment se faire comprendre, quʼest-ce quʼon mange en Suisse et comment nous déplacer. Heureusement, on a rapidement constaté que les gens étaient prêts à nous aider dans la rue.
Et comment se font-elles comprendre sans parler la langue ? Olga sort subitement son téléphone, prononce quelques mots en ukrainiens et me le tend. Sur son écran, je lis :
Merci monsieur le journaliste.
Des applications de traduction instantanée, voilà lʼoutil que tout Ukrainien est content dʼavoir en Suisse.
Des jeunes de 18 ans sur le front !
Quand jʼaborde ensuite la question de leur quotidien, jʼentends fuser à lʼautre bout de la table :
On apprend le français mon cher !
Cʼest Yurii qui a osé prononcer ces quelques mots en français. Cʼest lʼun des rares hommes à avoir pu quitter le pays en raison de problèmes de santé. Cet ancien athlète de haut niveau a trouvé refuge au Val-de-Travers avec sa femme Inna, sa fille Anna et sa maman Hanna. Un de ses fils, mineur – Oleksandr, 11 ans – est également avec eux. La majorité des familles ukrainiennes réfugiées sont aujourdʼhui décimées car les hommes sont mobilisés sur le front dès leurs 18 ans. Inquiétude supplémentaire, les femmes et les mères se demandent sans cesse ce quʼil advient de leurs maris et de leurs « grands enfants ». Lʼun des fils de Maryna vient dʼailleurs dʼêtre gravement blessé sur le terrain. Un téléphone mʼest à nouveau tendu devant les yeux. À travers la vitre cassée du smartphone, jʼaperçois une jambe traversée de part en part par une énorme broche en métal. Voilà la guerre, la vraie. Pendant que des dirigeants la jouent depuis leurs bureaux, les combattants la font réellement.