Teresa, la « mère nature » du Vallon
Teresa Ranieri, vous connaissez peut-être son nom si vous êtes alléchés par les photos du Val-de-Travers publiées sur les réseaux sociaux. Mais peu connaissent son visage et encore moins son parcours qui l’a menée de sa petite ville italienne de Ventimiglia à Couvet en 2012. Rencontre avec cette Covassonne dont les photos et les poésies sur la nature du Vallon font sensation loin à la ronde.
Tout commence par une histoire peu banale lorsque son papa va annoncer sa naissance à l’état civil italien en 1956. Au lieu de l’enregistrer sous le nom de Teresa, il se trompe et l’appelle Teresina. Officiellement, il faudrait donc l’appeler ainsi mais elle préfère son « vrai prénom » Teresa. Elle est née au sud de l’Italie mais elle n’y a vécu qu’une année avant de s’installer à Ventimiglia, à la frontière avec la Côte d’Azur française.
Mon père a trouvé du travail à Nice et cela nous permettait de rester vivre en Italie mais pas loin de son lieu de travail. Ce déménagement dans le nord n’a pas été facile car personne ne voulait louer de maison à des Italiens du sud comme nous. Mais on a finalement trouvé quelque chose et j’y ai vécu durant 50 ans.
Déclic pour la photo en arrivant au Vallon
Elle a travaillé pendant 20 ans dans des supermarchés, elle a tenu son propre magasin durant quelques années puis elle a finalement trouvé du job dans des hôtels de Monaco. Sa venue à Couvet, elle la doit à son fils Stefano qui vivait en Suisse depuis plusieurs années déjà au moment où il a fait cette démarche.
Mes parents sont décédés et mon mari a trouvé la mort dans un accident. Je me retrouvais donc esseulée à Ventimiglia et mon fils a eu la bonne idée de me proposer de le rejoindre. Je l’ai fait en 2012 pour lui et mes deux petits-fils Damiano et Franco.
Grâce à son CV, elle trouve un emploi à l’hôtel Beaulac de Neuchâtel et devient très vite assistante de gouvernante.
Aujourd’hui à la retraite mais en pleine forme physique, cette ancienne lanceuse de softball (sorte de baseball féminin) consacre une partie de son temps à la photographie.
J’ai toujours été amoureuse de la nature et des montagnes notamment. C’est grâce à ça que je fais de la photo aujourd’hui mais c’est vraiment arrivé sur le tard. Je m’y suis mis depuis que je suis au Val-de-Travers. Entre les fleurs, les animaux et les jeux de lumière, je suis gâtée par ici.
Parfois, elle tombe même sur des trouvailles surprenantes comme ce fossile qu’un expert aurait daté à plus de 150 millions d’années.
Photo en « Une » du JT de la RTS
Au niveau du matériel, elle possède un appareil professionnel mais elle se promène très souvent avec son simple smartphone plus léger et moins encombrant. Il faut dire qu’elle part en principe pour de longues heures de marche à travers le Vallon. Un plaisir solitaire puisqu’elle veut être libre de s’arrêter à sa convenance, de flâner un peu ou de « traquer » la piste d’animaux à travers leurs traces.
À force, mon œil est entraîné à voir les choses qui sortent de l’ordinaire et je suis toujours prête à sortir l’objectif. Même en train ou derrière ma fenêtre, je mitraille,
blague-t-elle. Et celle qui habite au cœur de Couvet ne risque pas de déranger son voisin de palier qui n’est autre que son fils. Plus proche, ça devenait difficile.
Son plaisir, c’est de partager ses réalisations sur internet et principalement sur Facebook où les membres du groupe « t’es du Val-de-Travers si… » peuvent régulièrement se délecter de ses photos.
Les retours sont constructifs et je vois que ça fait plaisir aux gens et en particulier à ceux qui n’habitent plus ici ou qui ne peuvent plus se déplacer.
Peu importe qu’il neige ou qu’il fasse froid, Teresa part à l’aventure au moins trois fois par semaine. Elle n’a pas véritablement de coin préféré même si elle va très souvent sur les hauteurs de Couvet pour surplomber le Vallon.
En revanche, j’ai une saison favorite et c’est l’automne ! Je trouve que le mélange des couleurs est incroyable. L’un de mes clichés mettant en avant ce contraste des teintes a été diffusé lors d’un journal du soir de la RTS, cela m’a fait plaisir.
Le lynx échappe toujours à son objectif
La Covassonne est une artiste à plusieurs facettes. Elle peint régulièrement et elle s’essaie aussi à la poésie. Certains de ses poèmes inspirés de la nature vallonnière ont même été publiés en 2016 dans un recueil en italien (VenerDiversi). Finalement, à travers ses photos qui croquent un morceau de réalité comme un tableau, il en ressort souvent une certaine poésie et ce n’est donc peut-être pas pour rien.
Peut-être bien. Je ressens une émotion particulière lors de chaque photo et j’essaie de la partager. Je n’ai jamais suivi de cours, je fais tout cela à l’instinct.
Et ça semble marcher puisqu’elle s’est fait une petite notoriété :
On me reconnaît parfois, on me salue par mon prénom ou alors on me demande si je pars faire des photos, c’est drôle je dois dire.
Avec d’autres amateurs de photographie, elle participe en tout cas au rayonnement du Val-de-Travers à sa manière. Mais il lui manque encore une photo à son tableau de chasse.
J’aimerais pouvoir rencontrer un lynx et immortaliser ce moment.
Le Lynx du « Courrier » est dans les parages parait-il. Je dis ça…
Kevin Vaucher