Témoignage
Les jeunes prennent la plume, et moi, je retourne à l’école
Il y a quelque temps, on m’a contacté concernant le projet roman d’école. Créé en 2005, il s’agit d’un atelier adressé à des élèves de classes ressources (auparavant appelées terminales) qui consiste à écrire un livre avec l’aide d’un coach. Puis d’en faire un résumé lors de deux lectures publiques. L’une d’entre elle s’est faite, mardi, dans les murs de Bleu de Chine. Une classe de Fleurier participait cette année au projet et je l’ai rencontrée. Les élèves souhaitaient me poser des questions sur l’écriture. Et moi, je souhaitais qu’ils m’en disent davantage sur ce qu’ils ont vécu. Je suis donc retourné sur les bancs de l’école l’histoire d’un après-midi. Extrait !
Je veux bien retourner à l’école à 34 ans mais je ne tient pas à ce que cela ressemble à une leçon scolaire. Je ne prendrai donc pas place derrière le bureau du prof mais je me mêlerai directement aux élèves. Dans la classe de Joëlle Juriens, ils sont six à avoir participé au projet roman d’école. Il y a trois frères et sœurs venus d’Orient : Narges, Nigin et Aminullah. Il y a aussi Eden, Etnor et Nolan. Ils constituent une classe « ressource » et c’est l’une des raisons qui expliquent pourquoi elle a pu participer au projet.
D’abord les craintes !
« Leur parcours fait qu’ils n’ont pas forcément eu un accès direct aux livres et le système considère donc que ce ne sont pas forcément les jeunes les plus attirés par les lectures. Ce qui n’est pas nécessairement juste », confie leur enseignante. Je dirais même que c’est totalement faux. Dans leurs propos, je comprends rapidement que les six élèves de l’école JJR ont adoré l’expérience. Ils ont d’abord eu un peu d’appréhension à le faire, comme l’affirme Narges : « On a eu quelques craintes au moment de commencer à écrire. C’est quelque chose qui fait peur. On se demandait si on était capable de le faire. »
La prise de confiance, ensuite !
Ces jeunes sont parfaitement capables de le faire. Il suffit de leur redonner simplement un peu confiance en leurs capacités. Il suffit de les encourager et de les aider un peu pour certaines choses. Le reste, ils le font très bien. Pour l’écriture de ce livre, la classe était épaulée par une coach d’écriture. Julie Guinand les a rencontrés neuf fois afin de recueillir leurs idées et de les rassembler. « C’est ce que j’appelle la DJ du texte. Elle mixe ce qui a été dit lors d’une séance et revient la semaine suivante avec une proposition de bout d’histoire. Et ce sont les élèves qui ont le dernier mot de savoir si cela reflète bien ou non leurs propos et leurs idées », expose Thomas Sandoz, responsable de l’antenne romande.
Les boosteurs de créativité
La coach a ajouté un défi dans le défi. À savoir utiliser impérativement certains mots (comme « grande frite » par exemple). Les élèves ont le choix, soit les voir comme des handicaps à l’histoire soit s’en servir comme boosteurs de créativité. Et c’est ce que les jeunes vallonniers ont fait. Semaine après semaine, leur histoire a pris forme autour… d’un tacos ! « Il a d’abord fallu créer des personnages. Certains se sont inspirés de gens qu’ils connaissaient et d’autres ont laissé parler leur imagination », détaille Etnor. « Chacun a pu donner ses idées et notre histoire a pris forme assez simplement malgré le fait qu’on était six à participer à son élaboration », complète Eden. Et en fin de compte, cela donne l’histoire d’un tacos qui a le pouvoir d’envoyer chaque personne qui le mange sur une île mystérieuse (Patate Land).
Un coaching payant
Le seul moyen de s’en sortir est de trouver trois patates d’or. Je n’en dirai pas plus, mystère ! Cette expérience ne se limite pas uniquement à l’écriture, elle fait intervenir la lecture aussi. Les élèves ont présenté leur travail lors de deux lectures publiques qui ont eu lieu mardi. La première à Fleurier et la deuxième dans le bas du canton car la deuxième classe venait de Gorgier. Et les jeunes vallonniers ont présenté quelque chose de très abouti. « Une professionnelle (Noémi Schaub) est venu nous voir pour nous aider à poser notre voix sur le texte. Elle nous a aussi aidé à jouer avec les émotions pour faire passer l’humour, la joie et la tristesse », se souvient Nolan. À en croire les réactions de la petite cinquantaine de spectateurs présents à Bleu de Chine, ce coaching a été payant. Bravo à eux ! Et moi, je ne regrette pas ce retour à l’école même si rien ne vaut les murs d’une rédaction…
Kevin Vaucher