Quelques réflexions sur l’art aborigène australien – que j’aime !
Les Aborigènes australiens n’ont pas connu l’écriture mais ont transmis leur culture depuis plus de 60’000 ans par le récit, le chant, la danse – et la peinture, appliquée en ocre sur le corps mais aussi sur la terre et le sable, lors des cérémonies et des initiations. En conséquence, leur art, à part de l’art rupestre, était éphémère. Grâce aux matériaux modernes, leurs œuvres connaissent aujourd’hui une structure plus permanente et peuvent voyager. Comme me disait feu Kathleen Petyarre, artiste renommée, mentor et grand-mère d’Abie Loy : « Maintenant, le monde, il sait que nous aussi, nous avons une culture. Cela nous donne de la dignité. »
Les centres d’art, installés par le gouvernement australien pour assurer un commerce équitable, sont dirigés de plus en plus par de jeunes Aborigènes qui maîtrisent l’anglais. Ils vendent aux galeristes, musées, clients privés, et les artistes participent aux vernissages.
Il est vrai que certaines œuvres réclament aujourd’hui des prix élevés, surtout celles des hommes ou des femmes de loi, qui sont ou ont été des dirigeants cérémoniels au savoir traditionnel exceptionnel. Cependant, on peut dire que la grande majorité des œuvres d’art aborigènes se vend toujours à des prix abordables. Dans le désert, les artistes aiment travailler avec de l’acrylique tandis que dans le nord de l’Australie-Occidentale, ils utilisent de l’ocre comme dans la Terre d’Arnhem, où ils peignent sur écorce.
Pas tous les artistes peignent jambes croisées. Les plus âgés sont contents pour un peu plus de confort, comme Irene Namok du grand nord tropical de Queensland, artiste et guérisseuse qui fut invitée à Môtiers lors des journées de vernissage.
Pour un peuple semi-nomade, le partage est fondamental et l’artiste, surtout si elle ou lui est renommé-e, est très sollicité-e par sa famille étendue. Gardiens de terres de leurs Ancêtres et des Rêves dont ils sont responsables, les artistes ont hérité d’une sagesse et d’une connaissance immémoriale. Leur lien avec leur pays incarne bien plus que le simple domaine physique ; il leur permet également de se connecter spirituellement. La force et le magnétisme qui émanent de leurs œuvres me fascinent toujours.
À noter que le musée d’art aborigène à Môtiers organise des visites guidées sur demande et en offre gratuitement lors des journées portes ouvertes.
Theresa Burkhardt-Felder, cofondatrice musée d’art aborigène australien, Môtiers