Quand Barrelet devient Mozart, acte 2 !
Fin novembre, l’artiste de Môtiers Olivier D. Barrelet s’était laissé aller à une petite conférence sur la Flûte enchantée de Mozart. Cette soirée à succès avait réuni une bonne cinquantaine de personnes dans la salle de projection d’espaceVal. Un mélange d’extraits sur grand écran et de prises de parole avait fait mouche. Le mélomane endiablé remet ça le 9 avril en s’attaquant cette fois-ci à la 626e et dernière œuvre du compositeur autrichien : son mythique Requiem ! Lorsqu’il en parle, Barrelet est transporté, comme transposé dans le corps de Mozart le temps d’un instant. Il en ressort des moments de sincérité d’une pureté rare. Face à l’émotion qui l’habite lorsqu’il évoque cette œuvre, le conférencier a élaboré une parade s’il venait à être submergé le jour J. Du grand spectacle en vue et 100% gratuit qui plus est.
Lorsque j’arrive chez Olivier D. Barrelet, l’homme m’ouvre la porte péniblement. Il est marqué et ne tarde pas à m’expliquer pourquoi.
Cette guerre en Ukraine me ronge et je ne dors plus depuis plusieurs jours. Vous savez, je suis un artiste et tout artiste est un grand sensible.
Alors il plonge ! Non pas sous l’eau mais sous le travail. Tous les après-midi, c’est à la fabrication de ses sculptures en bois qu’il s’abandonne. Et tous les matins, c’est sur sa prochaine conférence sur le Requiem de Mozart qu’il travaille sans relâche. Il s’occupe les mains et l’esprit mais l’homme, lui, reste marqué.
J’ai 83 ans, je suis fatigué M. Vaucher. Vous allez sourire car vous n’allez peut-être pas me croire mais je pense que je vais bientôt tout arrêter pour me reposer.
Sourire non ! Mais un double sentiment me gagne face à ses paroles.
Une dernière révérence avant de s’écrouler
Premièrement, je ne peux m’empêcher d’avoir de la compassion pour un homme qui prend tant les choses à cœur. Deuxièmement, je ne lui dit pas mais je sais comment lui « redonner vie » en très peu de temps et je vais vous le montrer dans cet article. Commençons par parler de l’élément central de cette conférence.
Ce n’est pas une œuvre lambda, il y a toute une histoire autour de ce Requiem. Je vais la raconter le 9 avril en présentant douze extraits différents. Ces douze morceaux du Requiem seront interprétés en vidéo par autant de chefs d’orchestres et de solistes différents. Pourquoi ? Tout simplement parce que la façon de jouer d’un Italien (beaucoup d’entrain) est totalement différente de celle d’un Allemand comme Herbert von Karajan (plus posé) par exemple.
L’artiste conférencier est un grand anxieux, ça fait partie du personnage ! Il avait déjà la crainte de la salle vide au mois de novembre. Qu’il se rassure, il devrait sans problème y avoir une nouvelle fois une cinquantaine de personnes pour l’écouter. L’entrée est libre (une collecte est organisée pour ceux qui le désirent), et le début est fixé à 17 h.
C’est la plus belle, la plus touchante, la plus connue et la plus magique de ses créations, ça ne pourra que bien lancer le samedi soir ,
s’enthousiasme-t-il. Le Requiem, c’est aussi ce qui marque la mort du compositeur.
On dit qu’il travaillait l’œuvre dans son lit, qu’il s’est légèrement relevé comme pour faire une dernière révérence puis il s’est écroulé.
Kennedy, Napoléon et Chopin mis en terre sur ce Requiem
C’était vers 1 h du matin le 5 décembre 1791 et il avait 35 ans.
L’année précédant sa mort, il n’avait pas fait grand-chose et ce Requiem devait lui permettre de partir sur un feu d’artifice. Malade, l’Autrichien se savait condamné. Mozart a dit, c’est ma Messe de mort ! Ce n’est pas pour rien que plusieurs grandes personnalités comme Kennedy, Napoléon et Chopin ont demandé qu’un bout du Requiem retentisse à leur enterrement. C’est un son divin,
s’emporte un Olivier D. Barrelet revigoré par ses propres mots. L’équipement professionnel de la salle d’espaceVal et l’encadrement proposé par le responsable Thierry Page sont l’assurance de pouvoir profiter de la profondeur du Requiem dans un environnement plus joyeux que des funérailles, rassurez-vous.
Et on est bien rodé maintenant. Je fais une petite introduction puis une courte présentation avant chacun des douze extraits.
Pour une question d’organisation, il est préférable de réserver à l’avance à cette adresse : olivier@odbarrelet.ch (les retardataires peuvent quand même venir sans réserver). Ses yeux éteints à mon arrivée sont maintenant illuminés. L’artiste s’imagine en scène et c’est simplement de ça dont il a besoin.
Finir sur une révérence comme Mozart ?
Olivier D. Barrelet se nourrit de son art et de sa passion. Sans ça, il s’éteint. Avec ça, il se transporte dans la peau de son personnage. Barrelet devient Mozart et Mozart devient Barrelet, cet infatigable battant ! N’a-t-il pas pondu ce Requiem seul, pauvre, moqué, malade et rejeté de tous ?
Oui, c’est vrai et cette fin de vie si calamiteuse d’un tel génie est bouleversante. Je vais moi-même essayer de rester digne jusqu’au bout. Mais les émotions me prennent tellement au corps que c’est épuisant intérieurement. Si je ne parviens pas à conclure la conférence car les émotions débordent alors je me contenterai d’une révérence comme Mozart avant de s’effondrer définitivement (il mime le geste).
Le Môtisan s’entraîne déjà en conditions réelles ainsi qu’en forêt afin de ne pas craquer le jour J. C’est revigoré comme à vingt ans, avec le sourire et en train de réciter sa conclusion que je quitte la scène de l’artiste en le laissant seul avec sa force créatrice. Je prends le pari que Barrelet saura s’immiscer avec brio dans la peau de Mozart le temps de sa conférence et qu’il pourrait même repartir pour un troisième acte avant la fin de l’année.
Kevin Vaucher