Olivier Sidler, objectif lune !
Depuis un mois et demi environ, une étrange forme de 4 mètres de haut est apparue sur le sol de Môtiers. Dans n’importe quel autre village suisse, cela aurait donné lieu à d’innombrables questionnements. Est-ce une plante de maïs transgénique ou une antenne 5G camouflée dans un sarcophage ? À Môtiers, c’est presque passé inaperçu, comme si c’était normal de voir pousser ce genre de choses dans la « bourgade aux artistes ». C’est d’ailleurs à un artiste ayant collaboré à « Art en plein air » 2021 que l’on doit la « paternité » de l’œuvre de 4 mètres de haut. En lui donnant vie durant 25 mois, Olivier Sidler a réalisé son rêve d’élévation. Il raconte cette « prise de hauteur ».
Vous rappelez-vous de la mouche en bois, de plus de deux mètres, qui avait élu domicile dans la forêt lors de Môtiers – Art en plein air ? Eh bien c’est le Môtisan Olivier Sidler qui lui avait donné forme. Le sculpteur sur bois a ensuite gardé ses outils dehors pour avancer un autre projet d’envergure : une œuvre en cèdre qui lui tenait à cœur.
Lorsque le centre funéraire de Beauregard a été construit à Neuchâtel, ils ont abattu de grands cèdres. Et j’ai réussi à m’en procurer un,
étaie-t-il. Cette matière première tombait à pic ! Depuis plusieurs mois, le Vallonnier avait en tête de transformer matériellement son rêve d’élévation.
Tout part de cette idée d’élévation spirituelle et personnelle. Tout a pris sens petit à petit durant les 25 mois durant lesquels j’ai travaillé sur ce projet. En fin de compte, c’est réussi visuellement. J’ai installé un chapeau en feuilles d’or au sommet de ma sculpture de quatre mètres car l’or est gage de pureté de la matière. Et c’est aussi réussi humainement parce que je me suis élevé à chaque fois que j’ai creusé le bois pour aboutir à la forme souhaitée.
Un parasol géant ? Une fusée ?
En parlant de forme, à quoi correspond celle qu’il a donnée à sa création ?
Il n’y avait pas de forme cible. Certains y voient un parasol géant, pourquoi pas.
Le parallèle avec une fusée est aussi facilement entrepris. Comme Tintin, Olivier Sidler avait en tout cas « l’objectif lune » en ligne de mire. Pour mieux comprendre le chemin parcouru par cette « fusée de cèdre », Olivier Sidler a immortalisé l’avancée de son élaboration à travers plusieurs clichés. Rendez-vous sur notre compte Facebook pour accéder à toutes les photos. L’une des premières tâches a été de dégrossir le tronc à la tronçonneuse. C’est la seule étape qui a demandé quelques gouttes de pétrole, tout le reste a été fait à la main (gouge, rabot, varlope…).
En plus de prendre le contre-pied du « tout industriel », le sculpteur a pu compter sur des relais locaux pour l’accompagner dans son « voyage vers l’espace ».
C’est Franco Bagatella qui a fait la pièce que j’ai dorée au sommet. C’est l’entreprise Thiébaud qui a assuré le transport de cette énorme pièce de bois et c’est dans les entrepôts Schneeberger que j’ai pu la stocker.
Et lorsqu’il a fallu trouver une idée pour faire pivoter l’œuvre afin de pouvoir la travailler sous tous les angles, c’est l’un de ses voisins qui lui a donné un bon tuyau.
Pourquoi tu n’utiliserais pas des vieilles roues de voitures, m’a dit Christophe. C’était une très bonne idée sauf que j’ai dû utiliser des roues de camions compte tenu de la masse qu’il fallait déplacer.
À coups de chalumeau et d’oxyde de fer
Pour renforcer le bois et lui donner une teinte bien distinctive, Olivier Sidler a ensuite brûlé le bois au chalumeau. Il avait déjà utilisé cette technique avec « sa mouche ». Ça lui offre ainsi une meilleure résistance aux intempéries.
En plus, j’ai terminé en donnant une couche de peinture couleur brique que j’ai réalisée moi-même avec des pigments naturels terreux (oxyde de fer).
Ce pigment varie naturellement du brun au rouge en fonction de la luminosité. Pour que l’œuvre tienne au sol à la verticale, son socle a été vissé à une jante de roue de camion. Des barres de fer ont ensuite été glissées à travers la jante et le tout a été recouvert de gravier pour dissimuler le subterfuge.
Le résultat est à découvrir dans le jardin du sculpteur, à la rue Jean-Jacques Rousseau 3.
J’ai hésité à la poser sur le perron de ma porte d’entrée mais il aurait fallu renforcer la structure pour qu’il tienne le coup.
Si certains pensent qu’on serait plus proche de « l’affaire Tournesol » que de « l’objectif lune », ce serait passer un peu vite sur la sincérité d’Olivier Sidler. Il est à fleur de peau lorsqu’il parle de ce « rêve d’élévation ». Alors, décollage immédiat ?
Si je décolle de Môtiers un jour, je pourrais bien le faire en emportant ma sculpture avec.
Hauteur de plafond minimum pour la prochaine maison : 4 mètres et des poussières (de lune ?) !
Kevin Vaucher