Maxime Pugin
L’homme qui remet en piste les motards paraplégiques
Une seule seconde d’inattention et une mauvaise chute peut bouleverser une vie. Celle des motards est forcément plus à risque comme s’ils évoluaient constamment sur un fil où il faut conserver l’équilibre. Mais parfois, ils tombent ! 16% des accidents de circulation touchent la colonne vertébrale et les motards représentent un gros quart des victimes. Passer du siège moto à celui d’un fauteuil roulant est traumatisant pour un paraplégique, privé de l’usage de ses jambes, d’autonomie, de liberté et… de sa moto. Enfin, ça c’était avant !
Un Vallonnier a trouvé la solution pour permettre aux paraplégiques de refaire de la moto en toute autonomie. Tout commence au Supercross de Genève en 2007. Ce jour-là, le pilote Marc Ristori chute gravement et il devient paraplégique. Le lendemain matin, il reçoit un appel sur son lit d’hôpital. Le réalisateur Benjamin Tobler le sollicite pour faire un documentaire sur lui et sur sa « vie d’après ». Il en est ressorti un « film » de 99 minutes (D’une seconde à l’autre) dans lequel on voit comment le pilote se remet debout à la suite de son accident.
Se remettre debout
On utilise volontairement le terme se « remettre debout » car il a refait de la moto environ une année après sa chute. Ce documentaire, le Vallonnier Maxime Pugin l’a vu en 2018. Rien ne relie ce garagiste de Fleurier à Marc Ristori. Pas plus qu’il n’est touché par la paraplégie dans son cercle familial. Pourtant, celui qui se décrit comme un grand sensible ne sort pas indemne de ce visionnage. « J’ai été impressionné et peiné à la fois. Impressionné de le voir remonter sur une moto mais peiné de voir qu’il devait prendre appui sur un arbre ou sur ses proches pour pouvoir démarrer et arrêter sa bécane. Je me suis dit que ce manque d’autonomie devait être pesant pour lui. »
Faire tenir la moto toute seule
L’homme se met donc à la recherche d’une solution en quatrième vitesse. « Je me suis mis en tête de créer un système simple, compatible avec toutes les motos et accessible financièrement pour permettre aux motards paraplégiques de remonter sur une moto sans l’aide d’une tierce personne. » Le défi consistait donc à réussir à faire tenir debout la moto lors des séquences d’arrêt (puisqu’une personne à mobilité réduite ne peut plus faire appui sur ses jambes). L’homme de 39 ans appelle aussitôt une amie pour qu’elle lui amène une moto. Le travail de recherche pouvait commencer.
35’000 km de test
Rapidement, Maxime parvient à une ébauche en bois qu’il convertit en prototype. Il dépose un brevet à Berne en 2019. « J’aime aider et j’aime créer. Ce défi réunissait
les deux ! » Malheureusement, l’arrivée du Covid a mis un frein à son élan et le projet est resté en stand-by depuis. Enfin pas tout à fait : « Je l’ai éprouvé sur ma moto durant 35’000 kilomètres. Puis, il y a quelque temps, j’ai reçu un appel (encore une histoire de coup de téléphone, décidément). Le pilote français Antoine Motillon – paraplégique depuis 2004 – voulait essayer mon système. Je l’ai alors perfectionné en collaboration avec le CPNE. » Un test vient d’être effectué avec le pilote et le Vallonnier se rendra bientôt avec lui au pôle mécanique d’Alès dans le sud de la France.
5000 heures de travail
Le projet est donc sur les rails sur circuit mais il n’est pas encore homologué sur les routes ouvertes. « Mon but est de l’homologuer en Suisse comme un accessoire de confort. »
Ce système s’adresse principalement aux paraplégiques mais il peut aussi être utile aux motards valides. « Le principe est de se passer de l’usage des jambes à l’arrêt. C’est indispensable pour les paraplégiques et plus confortable pour les autres. Concrètement, il suffit d’appuyer sur un bouton et deux tiges de 8 centimètres s’abaissent jusqu’au sol pour jouer le rôle de stabilisateur. Un 2e clic permet de rétracter ce système de 2.5 kilos. C’est un peu le même mécanisme que les petites roues à vélo. » En plus sophistiqué. Sa réalisation a nécessité 5000 heures de travail et 35’000 francs d’investissements. La liberté n’a pas de prix mais je vous le donne quand même : 5000 francs. « Nous sommes en train d’analyser la possibilité de rationaliser certains coûts pour être encore plus accessibles », promet Maxime Pugin.
Kevin Vaucher