Mais où est passé John?
Sur la piste des chiens de secours
Fleurier, le 24 janvier 2023. John est porté disparu depuis une vingtaine d’heures. Une équipe de secours s’organise devant chez « Zbinden », à la rue Entre-deux-Rivières. Des chiens de pistage sont mobilisés pour le retrouver. Les secouristes ne le savent pas encore mais John se trouve à 1.7 kilomètre de là. Il est en parfaite santé puisqu’il attend les secours chez lui, posé au fond de son canapé. Ce jour-là, il s’agissait d’un exercice et le disparu était donc fictif. Quelques jours plus tôt, en France, c’est vers un cadavre tout à fait réel que les recherches ont mené. Découvrez ce qu’est le mantrailing.
Le mantrailing peut se décortiquer ainsi : « man » pour homme et « trailing » pour suivre. C’est donc du pistage avec son chien, essentiellement utilisé pour retrouver des personnes disparues. Importée des États-Unis, cette activité est arrivée en Suisse il y a une vingtaine d’années. Ce mardi 24 janvier, c’est l’instructeur français Jean-Marc Mattern qui est à la baguette. Il a passé sa vie dans le domaine canin et cela fait une douzaine d’années qu’il enseigne le mantrailing.
Quand l’odeur de la mort s’emmêle
Il donne des cours en Suisse, en France et en Belgique. Pour des privés mais aussi pour des policiers et des gendarmes.
« Il y a quelques jours, j’ai participé à une opération du côté français. Le chien a retrouvé la personne disparue au bord de l’eau mais elle était morte noyée. »
L’animal réussissait là une double prouesse. D’abord parce que les odeurs sont très vite déplacées à cause des courants, ce qui rend le pistage plus compliqué. Ensuite, parce qu’une personne qui décède perd rapidement son odeur singulière pour endosser celle de cadavre, émanant de la décomposition du corps.
Un jeu et un moyen de sauver des vies
Par conséquent, la recherche de cadavre est un type de recherche très spécifique, réservée à une poignée de spécialistes. Celle des personnes disparues s’est en revanche « démocratisée ». Jean-Marc Mattern forme des groupes de civils à ce « jeu ». à Fleurier, ils sont six Neuchâtelois à participer à cet exercice ce jour-là. Dans ce cadre, on peut parler de jeu car aucune vie humaine n’en dépend. Les « vraies recherches » restent entre les mains d’équipes de professionnels. Ici, la personne recherchée est fictive et la piste a été tracée un jour plus tôt. « Contrairement à ce qu’on croit, il vaut mieux pister une personne un ou deux jours après son passage que quelques heures plus tard. Pour l’odorat ultradéveloppé du chien, l’odeur est presque trop forte quelques heures plus tard », développe Corine, la Bayardine du groupe.
Les meilleurs pistards couvrent 5 kilomètres
L’autre contre-intuition concerne la météo. Le froid est préférable au chaud et l’humidité préserve mieux les odeurs. Peu importe la race et l’âge du chien. L’odorat de cet animal lui permet d’être très bon en pistage avec de l’entraînement. Blaise Matthey a commencé le mantrailing il y a deux ans et demi. Son chien avait six mois. Il explique par quelles étapes il est passé : « Comme dans tous domaines, il faut commencer par lui apprendre les bases du « jeu », par étapes. On le fait rechercher une piste à quelques dizaines de mètres puis à 500 mètres puis à 2 kilomètres et ainsi de suite. » Les chiens les plus expérimentés peuvent pister quelqu’un sur plus de cinq kilomètres.
Le chien suit l’odeur, l’humain décrypte
L’instructeur Jean-Marc Mattern complète l’explication : « Le succès du pistage dépend surtout de la relation du binôme formé par l’homme et l’animal. C’est au chien de suivre l’odeur et c’est au maître d’apprendre à décrypter et à interpréter ses réactions. Par exemple à un carrefour, c’est souvent la direction où il regarde en premier qui est la bonne. ça marche neuf fois sur dix. » La seule fois où ça plante, c’est à l’homme (ou la femme) de comprendre qu’il est sur une fausse piste. Par exemple si le chien a dévié de sa route pour renifler le marquage urinaire d’un autre animal.
« Dans ce cas, le binôme doit s’arrêter et le propriétaire ferme l’accès à la fausse piste en se positionnant à cet endroit. Cela oblige le chien à choisir une autre direction. »
Sur les traces des indices olfactifs
Lorsqu’il remonte la piste du disparu, le chien est soumis à une multitude d’odeurs. C’est à lui de repérer les indices olfactifs que le disparu a laissés derrière lui. Ces indices sont des composés organiques volatils, invisibles à l’œil nu, qui se déposent partout où l’on passe (sur les murs, les tas de neige, le sol, l’eau, les arbres,…). Au début du pistage, le chien renifle l’odeur de la personne recherchée, par exemple à travers un objet lui appartenant. Et c’est ce qui lui sert de fil rouge. Au final, l’animal est toujours récompensé par le disparu fictif, lorsqu’il est trouvé. Dans ce cas, le disparu John a été localisé par les six participants. (W)ouf !
Kevin Vaucher