Le phare des Bayards
« Allez messieurs, faites-nous donc un peu de place à la table s’il vous plaît ! » Et oui, Danièle Chevalier est souvent entourée et n’est jamais seule bien longtemps dans son magasin des Bayards. Lieu phare pour beaucoup, c’est bien plus qu’une simple supérette de village où l’on passe acheter ses courses en vitesse. Depuis 2013, le petit tour « Chez la Danièle » est devenu la lumière qui guide la journée de certains habitants parfois isolés. Prenez une chaise, elle vous accueille à sa table !
C’est vrai que c’est davantage un lieu de vie qu’un magasin et c’est d’ailleurs pour ça que j’ai rapidement aménagé un « coin café » avec table et chaises pour pouvoir partager des moments avec mes clients,
reconnaît d’emblée Danièle Chevalier. J’ai d’ailleurs l’impression que ce coin du magasin ferait toujours le plein même si les rayons environnants disparaissaient. Pour certains, cela semble en tout cas un excellent prétexte pour aller tailler le bout de gras avec la patronne.
Au fil de la journée, j’ai plusieurs groupes d’habitués qui se succèdent. Souvent, les hommes viennent tôt le matin et les dames arrivent un peu plus tard. Il y a aussi les travailleurs qui passent chercher leur casse-croûte avant le boulot,
confirme-t-elle. Il faut dire que les horaires s’y prêtent parfaitement et qu’ils ont été pensés pour convenir au plus grand nombre.
C’est ouvert tous les jours de l’année du lundi au dimanche sauf le 1er janvier et les mercredis après-midi.
Un point de chute naturel
Du moins officiellement,
plaisante celle qui ne rechigne jamais à faire quelques « extras » niveau horaire et qui est sur place dès 4 h 45 pour préparer son pain chaque matin.
Je travaille avec du pain surgelé car je ne peux pas tout faire et je reste une épicerie de village. Je dois être réactive et c’est un bon compromis.
Cela lui permet notamment de préparer une trentaine de sandwiches chaque matin et les premiers clients arrivent avant six heures pour se les arracher.
Mais ceux-ci ne restent pas, ils partent travailler. C’est ensuite que Les Bayards s’éveillent. Il y a beaucoup de fermes isolées et les habitants se croisent plus qu’ils ne se rencontrent. Mon idée était de proposer un endroit où ils pouvaient venir boire un café et papoter un peu.
En gros, proposer un point de chute naturel pour ceux qui ont envie de partager des moments avec les autres.
Et ce qui est bien pour ceux qui n’oseraient pas aller dans un restaurant pour tisser du lien social, c’est qu’il suffit de prétexter une brique de lait vide ou une boîte à biscuits orpheline pour aller voir la Danièle.
Chacun est content de pouvoir se raconter ses petites histoires quotidiennes et moi je vois défiler chaque jour la vie des gens sous mes yeux …
et dans ses oreilles. Pour reposer ses yeux, ses oreilles et tout le reste, la bosseuse de 56 ans s’octroie quand même un peu de repos de temps en temps. Louane, une apprentie engagée cet été et Patricia, une employée à temps partiel, prennent alors temporairement le relais. Ce qui lui accorde épisodiquement aussi un répit pour aller promener son chien. Ce quotidien bien chargé accompagne Danièle Chevalier depuis janvier 2013.
Avant de reprendre le magasin ici, j’avais ouvert une petite crémerie de vingt mètres carrés en 2006. C’était un petit peu plus bas dans le village.
Un divorce et une retraite forcent le destin
D’où est venue cette envie de voir plus grand et de passer de la petite crémerie à la supérette bien achalandée ?
Ça doit venir de mon divorce. J’ai rapidement vu que ma petite crémerie ne me permettait pas de tourner et j’avais besoin de travailler davantage.
Bonne nouvelle pour elle, l’ancien gérant du commerce situé au Quartier du Milieu 76 prenait justement sa retraite.
Après 25 ans de service, Monsieur Matthey m’a demandé si je souhaitais reprendre son magasin et j’ai accepté. L’une de mes motivations était de proposer des produits locaux. La qualité des fromages que me fournit Adrien Pagnier est exceptionnelle par exemple. Les légumes et la viande le sont tout autant comme la relation que j’ai avec Bezençon pour les boissons par ailleurs.
Avant de s’épanouir dans la vente de proximité, la mère de famille a travaillé vingt ans dans l’entreprise Piaget.
J’ai arrêté lorsque j’ai eu ma fille pour être plus souvent avec elle. Et j’avais envie d’être au contact des gens tous les jours. Ah salut Thérèse !
La fin de cette phrase surprenante est révélatrice de deux choses. Non trois au fait ! Un, la patronne connaît le nom de tous ses clients. Deux, elle sait qu’il est important pour eux d’avoir un échange avec elle. Et trois,… Thérèse est entrée dans le magasin comme vous l’avez entendu.
Non seulement je les connais tous mais je fidélise les nouveaux rapidement grâce à ma bonbonnière,
blague-t-elle encore. Si ce lien semble si facile avec tous les villageois, c’est qu’elle est solidaire avec eux et qu’elle va volontiers livrer des personnes âgées, entre autres. Ils le lui rendent bien comme le témoigne l’abondante collection de cartes envoyées par des habitués et accrochées sur un fil à l’entrée de l’épicerie. Naissances, vœux, mariages, vacances, tout y passe !
Je suis en train de rajouter une attache car j’en ai d’autres qui attendent.
Un lieu de vie qu’elle disait…
Kevin Vaucher