Le « dégoûtant » public des Mascarons
Un théâtre plongé dans le noir. Aucune lumière sur scène alors que la représentation doit commencer. Y aurait-il une panne aux Mascarons ? Attendez, voilà quelques lueurs qui arrivent ! Une, deux puis trois. Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Trois créatures, enveloppées dans des combinaisons blanches, débarquent sur scène. Lampes de poche dans les mains, elles semblent débarquées de nulle part. L’une d’elles trouve l’interrupteur et là… stupeur !
« C’est dégoûtant, qu’est-ce que c’est ? », demande l’une des créatures. « Ça, c’est un public. Il est probablement resté figé là », répond une autre. Et c’est comme ça que les spectateurs deviennent les acteurs malgré eux du premier sketch de la soirée. Comment mieux entrer dans le monde de l’absurde ? Le week-end passé, les trois premières représentations de l’atelier-théâtre des Mascarons donnaient « Rendez-vous sur les planches » aux spectateurs vallonniers.
Vendredi soir, la première a eu lieu dans une salle quasi comble ! Neuf jeunes de 13 à 17 ans ont interprété quinze sketches mis en scène par Elvira Christian et Thérèse Roy. Les 7 actrices et les 2 acteurs en herbe en sont ressortis avec les honneurs et pas mal de rires. En choisissant un style d’humour loin des standards habituels et du stand-up, le challenge était pourtant loin d’être gagné.
L’absurde, un nouveau langage pour les moins de 20 ans
L’absurde a besoin d’un rythme particulier entre les comédiens pour que ça fonctionne et il a fallu beaucoup travailler pour en arriver là. Les répétitions ont débuté en janvier 2023, à coups de trois heures par semaine. Deux week-ends de travail et une « générale », en présence de public (le mercredi 24 mai), ont également complété le dispositif d’apprentissage et de rodage. « Ce n’était finalement pas de trop compte tenu des vacances, des jours fériés et des stages des uns et des autres. Bref, ce fut parfois compliqué d’avoir les neuf jeunes en même temps pour pouvoir affiner les réglages », coupe Thérèse Roy. Avant cela, il a d’abord fallu expliquer ce type d’humour particulier que les moins de 20 ans ne connaissent pas forcément. « Nous avons décortiqué chaque texte pour faire émerger leur 2e degré de lecture. Et en fin de compte, ce fut quelque chose de génial car c’est comme s’ils découvraient un nouveau langage, basé sur les jeux de mots et le double sens. »
Coluche et Chevallier et Laspalès, ça vous parle ?
Sur scène, on passe d’un univers à l’autre avec une certaine aisance. Preuve que les bases de ce nouveau langage ont été plutôt bien assimilées par les comédiennes et les comédiens. « Nous leur avons fait jouer sur des textes de Jean-Paul Alègre, Coluche ou encore Chevallier et Laspalès », explique celle qui a adapté certains passages pour leur donner des accents un peu plus locaux. Juste avant l’entracte, les 9 acteurs s’installent sur une rangée de sièges face aux spectateurs et ils inversent ingénieusement les rôles. Les voici dans la peau de spectateurs de théâtre, n’hésitant pas à tirer quelques flèches sur l’art qu’ils sont en train d’interpréter. C’est absurde mais ça fait mouche auprès du public ! Le retour sur les planches ne fut pas triste non plus. C’est en palmes et en masque de plongée que Flavie et Léocadie se sont donné la réplique dans un exercice difficile de jeu de mots. Joliment exécuté car les effets auraient facilement pu tomber à l’eau. Cela n’a pas été le cas.
Comment sont attribués les rôles ?
Au fait, comment se passe concrètement l’attribution des rôles dans ce type de spectacle ? « C’est un processus progressif », répond Thérèse Roy. « Nous leur demandons d’abord de se présenter car on ne les connaissait pas lorsqu’ils sont arrivés à l’école de théâtre. Puis, ils font des exercices pour apprendre à poser la voix et à respirer juste. Finalement, ils sont amenés à réaliser des sketches d’improvisation par groupe de trois. Après ça, on sait beaucoup mieux ce que l’on peut demander à tel ou tel jeune. » Certains sont plus à l’aise dans la parole alors que d’autres ont un jeu plus gestuel par exemple. Les punchlines de certains sujets font merveille lorsqu’elles sont envoyées dans le bon ton. Jugez celle-ci, sur l’administration : « Quand j’ai été engagée, un collègue m’a conseillé de ne pas trop dormir le matin. Il avait peur que je ne sache plus quoi faire l’après-midi… ». Vous voulez peut-être savoir aussi comment se termine un spectacle d’absurde ? Eh bien, en faisant littéralement venir sur scène le mot de la fin. Si si, c’est possible. Vous pouvez encore aller le voir le 2 juin à 19 h 30 et le 3 juin à 18 heures. Vous verrez, ça se mange sans fin !
Kevin Vaucher