Rubrique Juridique
Lorsqu’un commandement de payer rime avec contrainte
Le 6 juillet 2019, pour des services effectivement rendus, B… a fait notifier à A… un commandement de payer de Fr. 3147.85.
A… a alors invité B… à retirer son commandement de payer en précisant quʼà défaut, il lui ferait adresser un commandement de payer de Fr. 300ʼ000.- pour dommages résultant de cette notification.
B… nʼayant pas donné suite à cette invitation, le 15 juillet 2019 A… lui a effectivement fait notifier un commandement de payer de Fr. 300ʼ000.- pour dommages « à lʼimage et au crédit ».
Le 11 septembre 2019, B… a déposé contre A… une plainte pénale pour contrainte au sens de lʼart. 181 du code pénal (ci-après CP).
Par jugement du 18 janvier 2021, le Tribunal de police compétent a condamné A… pour contrainte à une peine privative de liberté de 6 mois, avec sursis pendant deux ans, à 25ʼ000 francs dʼamende ainsi quʼà diverses indemnités en faveur de B…
Le 10 mai 2021, la Cour dʼappel pénale compétente a rejeté lʼappel formé par A… et a confirmé le jugement rendu en première instance, sous suite de frais. Contre cette dernière décision, A… a formé un recours auprès du Tribunal fédéral, concluant à lʼannulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Au terme de lʼart. 181 CP, se rend coupable de contrainte, celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant dʼun dommage sérieux, ou en lʼentravant de quelque autre manière dans sa liberté dʼaction, lʼaura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.
Dans un arrêt du 22 juin 2022, le Tribunal fédéral (ci-après TF) a considéré ce qui suit :
Le fait de recevoir un commandement de payer dʼune somme dʼargent importante est susceptible dʼêtre à lʼorigine dʼ « une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question ». En lʼoccurrence, la décision cantonale retient que A… savait quʼil nʼavait pas de créance correspondant au montant figurant sur le commandement de payer. Par ailleurs il ressort de cette même décision que B… avait été sensible à la menace dans la mesure où il avait renoncé à récupérer sa propre créance tant que lʼissue de sa plainte ne serait pas connue. Il est ainsi établi que par sa réquisition de poursuite pour le montant infondé de 300ʼ000 francs, le recourant recherchait donc bien à obtenir de B… quʼil renonce à donner suite au commandement de payer quʼil lui avait fait notifier pour un montant de Fr. 3147.85. Les conditions dʼapplication de lʼart. 181 CP sont bien réalisées.
En conséquence, le TF a rejeté le recours de A… et mis les frais à sa charge. (ATF 6B_116/2021).
Blaise Galland, avocat