Hommage à Sœur Odette
Sœur Odette n’est plus… Et une époque s’éteint avec elle. Les plus anciens d’entre nous se souviennent qu’il y a bien des décennies les sœurs, catholiques comme protestantes, œuvraient en qualité d’infirmières dans les homes et au sein des hôpitaux. Et, parmi voiles et cornettes, il y a eu la vocation particulière de Sœur Odette : se consacrer à la lutte contre l’alcoolisme et, conjointement, mettre en lumière la situation des sans domicile fixe de Paris.
Sœur Odette disait que l’on vit d’espérance ; que, sans espérance, on meurt petit à petit… L’espérance, ce sont tous les projets positifs que l’on fait : visite à un malade, réunion de famille, loisirs en commun, retrouver du travail… Bien sûr, toutes les espérances n’aboutissent pas… et puis, il y a l’espérance chrétienne, qui est la Vie éternelle, sans maladie ni vieillesse. Sœur Odette avait conservé tout son esprit : malheureusement, la maladie a fait son œuvre…
Nous avons tous besoin de repères : le vieux banc moussu, si agréable sous le soleil implacable de la canicule parce que situé à l’ombre, l’arbre majestueux qui défie les siècles, le petit café où l’on retrouve les amis, l’aimable voisine toujours prête à nous aider en cas de soucis, et que nous aidons à notre tour… Et puis un jour, le vieux banc a cédé, la tempête a déraciné l’arbre, le café a fermé et la voisine a déménagé… tout passe… et nous nous retrouvons orphelins de nos belles et bonnes habitudes…
Toute séparation définitive est, d’un point de vue terrestre, une forme de deuil et, pour le croyant comme pour le non-croyant, c’est un déchirement. C’est un cap qu’il faut surmonter, et cela n’est jamais évident, entre durée et pénibilité de la séparation, que nous ne ressentons pas de la même manière selon les liens qui nous unissaient à la personne disparue. Sœur Odette savait se mettre au niveau et à la disponibilité de chacun, et sa silhouette droite et déterminée, sa gentillesse et son humour vont manquer à beaucoup d’entre nous, toutes générations confondues. J’ose un parallèle avec la reine
Elizabeth II d’Angleterre : beaucoup de citoyens britanniques jugeaient la monarchie clinquante, désuète et trop coûteuse, mais peu ne respectaient pas la reine elle-même… Il y avait un profond respect, une certaine admiration, presque une affection qui la reliait à son peuple. Et puis, la souveraine était également cheffe de l’église anglicane…
Tout comme Elizabeth II, Sœur Odette ne laissait personne indifférent, et son voile blanc, telle une couronne, imposait conjointement à ses qualités humaines, le plus profond respect. Je vous invite à revoir le film « Le voile bleu », avec Gaby Morlay : une femme ne pouvant avoir d’enfant fait vocation de s’occuper de ceux des autres… Nous avons été beaucoup à trouver en Sœur Odette les conseils d’une mère bienveillante… et parfois même une belle et salutaire remontée de bretelles ! En toute gentillesse !
Sœur Odette s’en est allée le dernier jour de janvier… ce mois où l’on fait vœu de s’abstenir de boire de l’alcool… ultime pirouette et testament : « Rebouchez la bouteille ! ».
Et puis me revient à l’esprit le décès de la duchesse de Guise… Elle avait, à ses derniers instants, saisi un mouchoir blanc et l’avait agité en disant : « Je n’aime pas me rendre ! ». Sœur Odette avait du caractère et n’aimait pas devoir céder aux impératifs de sa santé devenue fragile… Mais, quand le Père vous appelle, il faut savoir obéir… Bon voyage, chère Sœur Odette : que votre repos soit doux comme votre Foi fut ferme !
Sylvain Moser