Formation professionnelle
La place de demain pour l’ouvrier ?
Jeudi dernier, 15 septembre, le Centre neuchâtelois d’intégration professionnelle (CNIP) organisait une conférence sur la thématique de l’automatisation de l’industrie et présentait plus avant ses formations dans le domaine. L’occasion de réfléchir à la place de l’ouvrier dans le futur proche.
« Quelle place ? C’est la question aujourd’hui et quelle place demain ? », tels ont été les mots d’introduction de Thuan Nguyen, le directeur du Centre neuchâtelois d’intégration professionnelle (CNIP), lors de la conférence intitulée « L’humain et la machine : une place pour chacun » et organisée entre le centre et la Chambre neuchâteloise du commerce et de l’industrie (CNCI) à Couvet dans les bâtiments Dubied, jeudi dernier. Une question en guise de hors-d’œuvre qui est bien copieuse tant elle interroge la nature du travail, la continuité et la préservation des savoir-faire, la préservation de l’emploi et la mise à niveau des compétences professionnelles.
Pour commencer, le membre de la direction de la CNCI, Charles Constantin, a tenu à rappeler que la 4e révolution industrielle était à l’œuvre et qu’avec les développements de l’intelligence artificielle « la main-d’œuvre est challengée par le robot et la machine », mais cela devrait-il déboucher sur « une lutte des clans ? ». Selon certaines études, 50% des emplois dans l’industrie seront impactés par l’automatisation dans le futur. Cependant, Charles Constantin a insisté sur le fait que l’on pouvait « s’y préparer » et « progresser ensemble » vers un couple homme/machine et qu’il fallait former les personnes dans les « métiers de demain ». C’est cette volonté de formation et d’adaptation au progrès du CNIP qu’a soulignée ensuite le représentant de la CNCI en citant les deux formations proposées depuis 2019 en approvisionneurs sur machines et en opérateurs de production sur machines.
Formation d’avenir
Ces deux formations ont été lancées par le CNIP en 2019, mais elles sont le fruit de deux années de travail pour leur mise en place.
Nous avons senti un besoin de l’industrie régionale dans ce domaine,
explique Nicolas Pillonel, responsable de la formation au CNIP. Une fois cette prise de température faite, le centre s’est approché de la faîtière FOMA (formation des opérateur/trices de machines automatisées) pour s’inspirer de son système et établir son projet de formation.
Des formations en automation dont la mise en place a coûté au CNIP environ 300’000.- francs,
nous indique Thuan Nguyen, et qui avait été initiée par son prédécesseur, François Jaquet. Depuis 2019, environ une quinzaine de personnes par année ont suivi ces cursus de 55 jours (pour celle d’approvisionneurs) ou de 110 jours (pour celle d’opérateurs) du CNIP, une part minime sur l’ensemble des formations proposées par le centre.
Désormais, le directeur du CNIP indique qu’il s’agit de « promouvoir » ces formations auprès des acteurs industriels.
Je suis intimement convaincu que c’est la formation d’avenir ,
estime également Nicolas Pillonel. Thuan Nguyen va même plus loin en insistant que ce pas vers l’automatisation est véritablement à court terme.
On est dedans,
relève-t-il en espérant pouvoir accompagner l’industrie et les employés dans ce changement. Afin d’expliciter ce changement, le directeur de la production de l’entreprise Felco SA, Sébastien Nussbaum, était présent durant cette soirée pour exposer l’automatisation réalisée par l’entreprise des Geneveys-sur-Coffrane.
Mettre l’humain au centre
Premièrement, Sébastien Nussbaum a souhaité donner la définition de l’automatisation, soit l’usage de technologies pour réduire ou éliminer l’intervention humaine dans des tâches « répétitives, dangereuses, difficiles et gagner en productivité. » Par un film comparatif exposant l’ancien et le nouveau mode de production, les invités ont pu prendre conscience de changements qu’implique une automatisation 4.0 où les actions humaines sont en effet réduites au minimum et cantonnées à des opérations de réglage, de programmation et de surveillance des machines ou au contrôle de la production. Le cadre de Felco a insisté sur la nécessité d’associer et d’intégrer les collaborateurs dans la réflexion et la validation d’un modèle de production automatisé et de les former à l’utilisation des machines, à « augmenter leurs compétences ». Une mise en centre de l’humain qu’il identifie comme « la clé de la réussite ».
Et qu’en est-il d’une éventuelle perte de savoir-faire ?
On ne perd pas le savoir-faire, on le complexifie,
a estimé Sébastien Nussbaum, en expliquant que le savoir-faire de l’ouvrier est préservé car c’est toujours grâce à celui-ci que l’employé règle la machine et contrôle le résultat. La complexification vient en raison de la précision qu’exige l’automatisation. Pour conclure la soirée, une raclette était proposée aux invités, mais raclée par le Roboclette, robot conçu par l’Institut de recherche Idiap situé à Martigny, reproduisant la gestuelle d’un racleur. L’appareil attira toutes les attentions même si certains le redoutaient.
En tant que Valaisan d’origine, la raclette c’est un racleur avec des mains grasses et les manches retroussées, alors je crains ma rencontre avec le Roboclette,
a plaisanté Charles Constantin. Au-delà de l’attraction, ce sont véritablement les possibilités immenses de l’intelligence artificielle qui étaient exprimées.