Comment attirer les 15-25 ans dans l’arène ?
Certains cinémas luttent pour leur survie en Suisse. Au Val-de-Travers, le comité du Colisée n’a pas peur d’affronter l’avenir et il entend mettre toutes les armes de son côté pour attirer un maximum de Vallonniers dans l’arène. Dans cette bataille, les 15-25 ans constituent un public clef pour deux raisons. C’est celui qui fréquente le moins les salles obscures et c’est aussi celui qui constituera les familles de demain (autrement dit, les plus gros consommateurs de cinéma). Coup de bol : une étudiante vallonnière effectue justement actuellement une étude sur le sujet. Nous l’avons rencontrée.
Swarna Faivre a 22 ans et habite Travers. Plus jeune, elle a commencé à fréquenter les salles de cinéma grâce à la Lanterne magique. Aujourd’hui, elle œuvre au sein du cinéma Colisée via un job d’étudiante. Ce qui constitue un gros plus pour son travail de bachelor qu’elle mène actuellement dans le cadre de sa 3e année à la Haute École de gestion de Neuchâtel (option marketing). « Je voulais trouver une petite entreprise pour laquelle mon travail ait du sens et puisse servir son évolution », confie-t-elle.
Netflix n’est pas le principal problème !
Cette étude est une aubaine pour le Colisée qui cherche justement des solutions pour comprendre les besoins autour du cinéma afin de mieux y répondre encore. Au départ, Swarna imaginait se poser une question de travail générale sur les meilleurs moyens d’attirer les gens au cinéma en 2023. Mais le responsable du Colisée, Bertrand Stoller, a affiné la recherche en déconstruisant quelques idées reçues. « Beaucoup imaginent que c’est l’arrivée des plateformes comme Netflix qui a fait mal aux cinémas. C’est en partie vrai mais pas dans des proportions énormes. Des études ont montré que les gros consommateurs de vidéos à la demande (VOD) étaient aussi consommateurs de cinéma. » Première idée reçue tranchée !
Fréquentation après Covid : moins pire que prévu !
Pour vous donner un ordre d’idée, le Colisée a l’objectif d’attirer 10’000 personnes par année sur ses fauteuils. Ce qui constitue un objectif réaliste et réalisable. Mais le Covid n’a-t-il pas fait bouger les lignes ? « Là encore, il faut rester mesuré car la situation post-mesures Covid n’est pas aussi dramatique qu’on le craignait. On s’attendait à une baisse de fréquentation de 40% et elle n’a été ‹ que › de 15%. Le début d’année 2023 marque même un retour à la normale, grâce à quelques grosses sorties de films comme Mario. On remarque que les habitudes prises pendant le Covid, loin des cinémas, sont en train de se défaire », souffle Bertrand Stoller. Deuxième idée reçue vaincue !
Les formats courts cartonnent sur les réseaux
Ces éléments font arriver à la conclusion que le problème est plus vaste qu’il n’y paraît. « C’est tout le secteur culturel qui est touché face à l’explosion des activités. C’est la guerre de l’attention entre les réseaux sociaux et les nouvelles activités tendances qui émergent régulièrement, comme les escape games par exemple. Par ailleurs, l’avènement de TikTok a fortement habitué les jeunes aux formats courts. Ils aiment consommer un petit peu de vidéo partout où qu’ils soient. » Les films seraient donc devenus trop longs et les horaires de diffusion des cinémas trop rigides ? « Non, pas forcément. Car on s’aperçoit que les jeunes aiment encore venir au cinéma mais ils ont besoin de vivre une expérience et de pouvoir la partager. » C’est l’un des premiers enseignements qui peut être tiré des entretiens menés chez les 15-25 ans.
Les jeunes d’aujourd’hui sont les familles de demain
Mais son travail doit encore être approfondi, notamment via un questionnaire destiné aux Vallonniers de 15-25 ans (disponible en scannant le code QR). « Il est important de comprendre comment réconcilier ce jeune public avec le cinéma car s’il ne prend pas le ‹ réflexe cinéma › à cet âge, il ne l’aura pas non plus demain. » Et comme les jeunes d’aujourd’hui sont les familles de demain, cela pourrait déboucher, à terme, sur une forte diminution de la fréquentation.
L’enjeu est donc double voire triple ! « Précédemment, on parlait d’expérience. Les jeunes ont besoin d’autres choses que le film en lui-même. C’est encore plus vrai dans une région frontalière avec des cinémas français qui pratiquent des prix inférieurs. Il y a aussi la concurrence des salles de ciné 4D, comme à Berne », décrypte Swarna.
Le besoin de vivre une expérience
Face à la concurrence, il faut donc les attirer dans les salles en organisant des événements autour de films comme une projection en plein air (le cinéma open-air sur la place de Longereuse avait cartonné) ou en l’agrémentant d’une exposition / expérimentation à l’entrée de la salle par exemple. « On a commencé à le faire avec le film Mario, en installant plusieurs plaques retraçant l’histoire du jeu jusqu’au film. Et les jeunes venaient autant pour se prendre en photo devant les panneaux que pour le film », développe Bertrand Stoller. Voilà une expérience ! « Mais on aurait pu beaucoup mieux communiquer là-dessus », ajoute-t-il immédiatement. Il faut croire que le Colisée, aussi, a besoin de faire ses expériences pour sortir grandi de l’arène !
Kevin Vaucher