Chronique régionale
Claude-Alain Kleiner, un personnage aux multiples facettes
Qui ne connaît pas Claude-Alain Kleiner ? Ancien conseiller communal à Val-de-Travers, président du Conseil de Fondation du Home Dubied, chargé de communication du Conseil du public de la RTSR et rédacteur en chef de la revue Pays neuchâtelois entre autres casquettes, cet incontournable personnage vallonnier est également bien connu du Courrier du Val-de-Travers hebdo. Après huit ans passés à se soucier de l’actualité hebdomadaire pour le compte de ce dernier, Claude-Alain Kleiner tire sa révérence. Rencontre.
Il est de ces personnages dont la rencontre marque les esprits : Claude-Alain Kleiner. Intransigeance, humour sarcastique, ton cassant, mais aussi manières affables, sensibilité et engagement indéfectible. Au-delà de sa personnalité, tantôt décriée, tantôt appréciée, nul ne peut nier que Claude-Alain Kleiner possède une plume recherchée au-delà des frontières communales. Celui qui signe depuis huit ans la une du Courrier du Val-de-Travers hebdo est aussi rédacteur en chef de la revue Pays neuchâtelois depuis trois ans, répond depuis plusieurs années à l’invitation de la chronique « Points de vue » publiée par ArcInfo et signe régulièrement des préfaces quand il ne se charge pas lui-même d’écrire des ouvrages.
« Celui qui m’a mis le pied à l’étrier, c’est Jean-Claude Baudoin, à l’époque secrétaire général du Parti libéral, qui dirigeait tout seul Réalités neuchâteloises [ndlr : hebdomadaire aujourd’hui affilié au Parti libéral-radical neuchâtelois et publié sous le titre Libertés neuchâteloises] et qui estimait qu’il serait judicieux que j’écrive au sujet de l’école. » Nous sommes en 1994, Claude-Alain Kleiner est inspecteur scolaire rattaché au Service cantonal de l’enseignement obligatoire. Admirateur des éditoriaux de Pierre Georges publiés dans Le Monde, il s’essaie, dans le cadre de la rubrique « Brèves de préau », à « l’art de dire l’essentiel en peu de mots. »
Réprimande en haut lieu
Bien que sa fonction professionnelle lui impose un certain devoir de réserve, « Brèves de préau » lui permet de « pousser de temps en temps un coup de gueule ». Coups de gueule parfois si sentis que l’un d’eux lui vaut de se retrouver dans le bureau du conseiller d’état chargé de l’instruction publique. « Jean Guinand m’avait alors prié de modérer mes ardeurs », se souvient Claude-Alain Kleiner. Son visage prend-il un air penaud derrière son masque de protection sanitaire ? Pas si sûr. « J’ai toujours eu une propension à tenter de faire bouger les lignes, à voir jusqu’où je peux dépasser les limites. »
Des limites, Claude-Alain Kleiner en pose, « par souci d’éthique », en lâchant la plume durant son mandat de conseiller communal professionnel à Val-de-Travers entre 2008 et 2012. Il la reprend ensuite à la demande de Duilio Rota, directeur de l’imprimerie Montandon éditrice du Courrier du Val-de-Travers hebdo. épaulant la journaliste Claire-Lise Frossard, retraitée depuis 2018, qui gérait alors seule la tenue des cahiers de l’hebdomadaire, Claude-Alain Kleiner peut ainsi opérer une transition bienvenue. « J’aurais mal vécu de passer d’un coup de la vie de fou qu’est celle d’un conseiller communal à celle d’un retraité », s’exclame-t-il en mimant de ses mains un plongeon dans le vide.
Avec le souci d’agir « dans les règles de l’art et très respectueux du travail des journalistes professionnels qui m’ont toujours accueilli avec empathie à leurs côtés », Claude-Alain Kleiner s’attelle, depuis huit ans maintenant, à couvrir l’actualité du Val-de-Travers « en toute objectivité ». Même s’il avoue sans détour avoir parfois ressenti une « épouvantable envie » de donner son avis au sujet de décisions politiques. Une envie qui s’accompagnait de « la tristesse de constater comment a parfois été détricoté ce que nos Aînés ont construit pour l’école neuchâteloise. »
S’il dit avoir eu beaucoup de plaisir à couvrir la chose politique et publique dans le cadre de son engagement auprès du Courrier du Val-de-Travers hebdo, il admet avoir dû apprendre à relativiser « dans les situations compliquées où j’en ai pris plein les gencives. » Bras et jambes croisés, Claude-Alain Kleiner fronce le sourcil en évoquant « les remarques indignes et indécentes de trublions divers qui ont parfois estimé que je connaissais trop bien les dossiers pour écrire à leur sujet. » à ces assertions, il réplique : « lorsqu’un élu travestit la vérité, je le perçois aisément, mais c’est toujours avec un souci d’objectivité que je relate un Conseil général. »
Impatience et humanisme
Depuis quelques années toutefois, Claude-Alain Kleiner s’essouffle. « Je suis un peu fatigué de couvrir l’actualité hebdomadaire. Je deviens impatient, intolérant. Je ressens un besoin de tranquillité, de me recentrer, seul, en famille. Il est temps de laisser la place. » Toute la place ? Non, car la deuxième page du Courrier du Val-de-Travers hebdo sera encore réservée, tous les quinze jours, à la publication de sa rubrique « La Vie au Vallon » pour laquelle il possède carte blanche.
Depuis cinq ans, Claude-Alain Kleiner recherche avec minutie et met en lumière avec humanisme, « les gens de l’ombre qui possèdent – c’est le cas de tout le monde ou presque – une fibre permettant de croire en l’homme avant de croire en autre chose. » S’appliquant à travailler avec soin et méthodologie, il veille à respecter un équilibre entre les villages où vivent les personnes qu’il dépeint, ainsi qu’une parité entre hommes et femmes, interviewant parfois un couple, « avec le souci constant de mettre les qualités et les forces en évidence. »
Au-delà du parcours professionnel de l’individu choisi, ce qu’il recherche, et obtient, ce sont des « pépites » de vie. « Je souhaite que la personne se livre, quitte le fil de son CV et parle un peu d’elle-même. Toutes ces rencontres constituent des moments de vie extraordinaires. »
Frustration
Pour celui qui ne se « targue pas d’être journaliste », l’écriture du reportage en est-elle plus aisée ? « Je ne peux pas dérouler le fil de l’histoire avant d’en trouver le titre », détaille Claude-Alain Kleiner. Que personne ne s’avise d’ailleurs de lui dire qu’il a la plume facile sous peine de le voir se fâcher. « écrire une lettre, c’est facile. Mais un article, c’est du travail ! L’exercice le plus difficile à réaliser est celui de la chronique d’ArcInfo. J’y prends un immense plaisir, mais y consacre beaucoup de temps, car se plier à la contrainte d’un maximum de 1600 signes est un exercice délicat, terriblement formateur, mais très bénéfique. »
Le présent article, lui aussi, sera trop court pour parler en détail des mille facettes du personnage. éclectique, Claude-Alain Kleiner porte encore de nombreuses autres casquettes. Entre son travail de fédération des EMS du Vallon, ses tractations en faveur de la jeunesse vallonnière et la mise en œuvre de projets personnels tels que l’écriture de ses mémoires à destination de ses descendants, il n’est pas certain que sa retraite lui accorde autant de temps qu’il le souhaite. Une certitude toutefois, quel que soit le lieu où sa détermination et sa rigueur le mèneront, le Vallonnier d’adoption laissera derrière lui une trace indélébile. Quelle que soit la première impression qu’il dégage, Claude-Alain Kleiner fascine.
Par Anthea Estoppey
Journaliste indépendante