Chers amis vallonniers et valtraversins
J’ai lu avec un vif intérêt l’intéressant rappel historique que Gabriel Risold a publié dans le Courrier du Val-de-Travers hebdo du 12 janvier à propos de « l’affaire des gentilés ». Voici ce que ces lignes m’ont suggéré de partager avec vous.
À mon avis, l’échec de ce projet de changement de nom est largement dû au désir de faire vite et bien qui animait le Conseil communal flambant neuf de l’époque. Après l’étude de mon rapport, si mon argumentation les avait convaincues, les autorités n’auraient jamais, au grand jamais, dû introduire ce nouveau gentilé sous la forme d’une décision imposée d’en haut. D’autant moins d’ailleurs que le sujet touchait en plein au cœur des hommes et des femmes d’une commune tout juste unifiée et dont les contours étaient encore loin d’être parfaitement définis.
En jouant plus finement, par exemple en commençant de recourir à ce terme pour désigner des événements plutôt que des personnes, je pense qu’une certaine habitude aurait été prise d’entendre ce nouveau (et pourtant très ancien) vocable et de s’y habituer petit à petit. On peut imaginer des usages innocents du type :
– les autorités valtraversines ont décidé… etc
– la culture valtraversine s’est récemment illustrée par de nombreuses manifestations populaires, etc.
– des fanfares valtraversines sont revenues couronnées de la fête fédérale, etc.
– l’industrie valtraversine connaît actuellement un essor tout particulier, etc.
En s’attaquant presque brutalement au gentilé usuel « vallonnier » (qui est davantage une AOC qu’un authentique gentilé, comme j’aime à le rappeler), l’exécutif remuait un peu le couteau dans la plaie car la nouvelle commune elle-même ne faisait pas non plus l’unanimité. En fait, les habitants du Vallon avaient à peine eu le temps d’étrenner leur toute neuve identité communale qu’on venait encore leur asséner un coup sur la tête en les privant du nom familier sous lequel on les désigne à Neuchâtel à l’instar des gens du vallon de Saint-Imier qui sont eux aussi des « Vallonniers » pour leurs voisins de La Chaux-de-Fonds. Eux au moins se sont préservé leur vrai gentilé, ils sont d’abord « Imériens ».
Je suis né « Traversin » il y a plus de 80 ans et j’ai toujours eu plaisir à me qualifier de tel par amour des lieux et de leur histoire. L’extension de « Traversin » à « Valtraversin » ne faisait selon moi que de répondre à une réalité à la fois neuve et logique. Le nouveau gentilé a été balayé par la voie des urnes. Dont acte. Il n’y a donc pas lieu de polémiquer, même si, au moment du référendum et à l’instant où j’arrivais à la brocante de la gare de Noiraigue, je m’entendis interpeller en ces termes : « Eh ! Jelmini, t’as intérêt à mettre ton casque quand tu viens par ici ». Grosse colère ou boutade, je ne l’ai jamais su, mais j’y ai survécu.
Quant aux autorités de l’époque, je leur suis infiniment plus reconnaissant d’avoir si bien concrétisé « Val-de-Travers » que d’avoir sans doute, erreur de jeunesse, voulu trop vite et trop bien faire. Bien cordialement à vous.
Jean-Pierre Jelmini, Traversin