Cercle scolaire du Val-de-Travers
Le théâtre pour révéler les ressorts de la violence de couple
Ce mardi, à la salle Fleurisia à Fleurier, les élèves de 10e année du Cercle scolaire du Val-de-Travers se confrontaient à la violence de couple avec le spectacle de la troupe Le Caméléon. Un moment de théâtre-forum où les adolescents étaient amenés à identifier les signes de la relation toxique.
Dans une relation amoureuse, comment agir face à quelqu’un qui prend le pouvoir sur l’autre ? C’est en quelque sorte la question que posait le spectacle « Amour amer et couples givrés » de la troupe Le Caméléon aux élèves de 10e année du Cercle scolaire du Val-de-Travers. La thématique de la violence de couple, ce sont ces derniers, eux-mêmes, qui l’ont choisie : « Dans le cadre du projet ‹ Mieux vivre ensemble ›, une activité de théâtre interactif en lien avec la violence chez les jeunes. Cette année, c’est ce sujet qui les touchait le plus », explique David Hamel, directeur du Cercle scolaire.
Du théâtre, certes, mais du théâtre-forum, soit un spectacle en deux parties, la première interprétée par deux comédiennes et un comédien retraçant l’histoire, puis une seconde durant laquelle les élèves peuvent intervenir dès qu’ils estiment la situation problématique ou malsaine. « Nous ouvrirons le dialogue pour mettre en évidence les signes avant-coureurs de la violence », indique à l’assistance Perrette Gonet, « joker » de la troupe, faisant le lien avec le public, ce jour-là. Et cette violence peut être psychologique ou physique.
Mécanisme de l’emprise
Le synopsis est presque des plus simples : Kim, adolescente, s’éprend de Yazz, un garçon plus âgé. Après, un flirt sur les réseaux sociaux, les deux jeunes gens entament une relation amoureuse qui semble parfaite, notamment au regard de Jess, meilleure amie de Kim. Des signes, des gestes, des remarques trahissent une violence sourde. Chantage, emprise, contrôle, insultes s’enchaînent pour aboutir sur un acte de violence physique. « Un climax fort et négatif », relève Perrette Gonet. L’attention des élèves est apparue presque totale, preuve que les scènes les ont marqués.
Place à la seconde partie et les trois comédiens recommencent l’histoire à l’identique. Dès la première scène, le tchat entre Kim et Yazz interpelle des élèves. Un message du garçon, « qui ne dit mot consent », questionne le consentement. « Avec cela, comment démarre cette relation ? Bien ? », interroge Perrette Gonet. Réponse unanime : non. Une élève accepte même de jouer l’amie de Kim et de « tchater » avec elle pour la dissuader de continuer ce début de relation. L’histoire reprend et progressivement les élèves décèlent avec de plus en plus d’acuité les ressorts de la mécanique de l’emprise. Là, les injonctions vestimentaires ou d’apparence, ici le contrôle du natel et des relations amicales.
La jalousie, preuve d’amour ?
La timidité de l’assistance a disparu et plusieurs jeunes reprennent un des rôles en improvisant les mots qui leur semblent appropriés dans la situation. Face à eux, les comédiens s’adaptent parfaitement et font évoluer leurs réactions. « T’as pas le droit de l’appeler ‹mon petit cul › », lance une élève jouant la meilleure amie à Yazz. « Je m’habille comme je veux », lui répond une autre dans la peau de Kim. Un élève invente même un quatrième rôle, celui d’un ami du garçon qui interviendrait afin de stopper une scène de chantage affectif. « La jalousie est-elle une preuve d’amour ? », demande la « Joker ». Le public peine à trancher, mais s’accorde, la possessivité et l’entrave à la liberté individuelle constituent la limite.
« On n’appartient pas à l’autre », note le comédien interprétant Yazz en soulignant que l’élève lui rétorque ses réprimandes uniquement en « je ». Le jeune public est convaincu également que les témoins, ami, amie, adultes responsables, de violence psychologique doivent de s’interposer afin de briser le silence et dénoncer. « Un mec toxique », a-t-il même conclu. Le spectacle s’est terminé sans que la dernière scène puisse être rejouée une seconde fois. « Leurs propositions et réactions ont redonné du pouvoir aux personnages de Kim et Jess, si bien que cela a permis d’éviter le pire », remarque Perrette Gonet, en estimant que les élèves se sont pris au jeu et ont su former leurs idées et les formuler.
Gabriel Risold