Sur les traces des trésors cachés du Val−de−Travers
Type de mission : faire sortir de l’ombre le 6e homme du CP Fleurier
Renseignements sur l’objectif : il est surnommé « Marmotte » et ne cherche pas à prendre la lumière
Lieu et date : Centre de sports de glace, Fleurier – janvier 2024
Observations du terrain : contrairement aux joueurs, il ne porte pas d’équipement. Contrairement à l’entraîneur, il prend peu la parole. Son travail est bien fait lorsque sa présence ne se remarque pas
Yannick Jeannin ne porte pas n’importe quel nom. Celui-ci résonne tout particulièrement dans le hockey helvétique depuis des décennies. D’abord grâce à Philippe puis grâce à son fils Sandy notamment. Yannick ne fait pas partie de la famille directe de cette branche des Jeannin mais il a la même passion. Ils sont faits du même bois, celui qui chauffe et réchauffe les patinoires à chaque fois que l’hiver revient. Ce Fleurisan de 31 ans a arrêté le hockey au niveau des juniors. Ses patins, il ne les chausse plus que pour jouer de temps en temps avec les vétérans du CP Fleurier. Il manie aussi la canne, celle d’unihockey, avec ses copains de La Brévine. Surtout, il trouve désormais son bonheur sportif dans son rôle de responsable matériel de la première équipe fleurisane (1re ligue). Un rôle méconnu mais primordial. Et si c’était lui le véritable 6e homme d’une équipe de hockey?
Penser à la place des joueurs
En réalité, le terme de « responsable matériel » renvoie bien mal au rôle réel d’un 6e homme, comme l’est indiscutablement Yannick Jeannin. Celui qui habite à quelques centaines de mètres de la patinoire de Fleurier agit comme un véritable ange gardien de la troupe dirigée par Nicolas Motreff et Yann Pellet. À domicile comme à l’extérieur, il est présent à tous les matches de la saison. Il est également là à la majorité des entraînements. Comment voit-il son rôle exactement ? « Je suis justement celui qu’on ne voit pas. Je suis au service du staff et des joueurs. J’essaie de penser pour eux afin qu’ils puissent se concentrer uniquement sur ce qu’ils ont à faire sur la glace. Tout ce qui entoure l’aspect sportif me revient donc », pose-t-il. Peu importe le résultat de la partie, son job est réussi lorsque l’équipe a pu se concentrer à 100% sur ce qu’elle avait à faire pour gagner. « Pour être honnête, je suis aussi dégoûté que les coachs et les joueurs quand nous perdons. » Voilà un bon compétiteur ! « J’aime l’adrénaline de la compétition. Je ne l’ai pas vraiment connue en tant que joueur chez les juniors. Dans le hockey d’adultes, on passe vraiment par toutes les émotions quand on est sur le banc. » Place qu’il occupe durant chaque match, souvent pour ouvrir la porte aux « acteurs » de la partie.
Un gardien sans jambière, à qui la faute ?
Lui arrive-t-il de s’emporter contre les arbitres ? « Non ! Je l’évite autant que possible car Nicolas Motreff nous demande vraiment de nous contenir. Chacun essaie de se concentrer uniquement sur des choses sur lesquelles il peut avoir une influence. » Par contre, l’ange gardien fleurisan avoue qu’il laisse parfois échapper quelques remontrances envers des joueurs adverses, auteurs de mauvais coups. Le sang de « Marmotte » ne fait alors qu’un tour. Rassurez-vous, ce surnom ne vient pas de son inactivité dans sa fonction. Il l’a hérité il y a bien longtemps lorsqu’il avait tendance à dormir un peu beaucoup au goût de sa copine. « Et c’est resté ! ». Aujourd’hui, il est quasiment passé à l’autre extrême. Aiguisage des patins, réparation de casque et coup de scotch sur une jambière sont autant de petits gestes qu’il fait presque automatiquement. C’est souvent le premier dans le vestiaire, 2 h 30 avant le coup d’envoi de la rencontre. En déplacement, il n’oublie pas non plus de quitter le vestiaire en dernier pour vérifier que personne n’a rien oublié. Et il vaut mieux que ce soit lui qui le fasse. « Il y a deux ans, un joueur avait fait le sac du gardien et il avait oublié de prendre ses jambières avec lui », se souvient-il en rigolant.
Un stage au HCC lors de son apprentissage de… mécanicien
En revanche, Yannick Jeannin n’oublie jamais ses 4 grosses caisses de matériel lorsque l’équipe se déplace à l’extérieur. En plus des maillots et de la machine à café. « Je voyage avec le groupe car c’est plus sympa comme ça. » Une fois arrivé à destination, il n’est pas rare que les rôles s’inversent l’espace de quelques secondes et que le staff, ou les joueurs, l’aident à débarquer une partie du matériel. C’est quelque chose qui revêt une forte signification. Cela démontre qu’il fait partie intégrante de l’équipe. Le reste du temps, le jeune homme s’active autour d’une autre équipe. Celle du garage Geiser où il (man)œuvre en tant que mécanicien. « D’ailleurs, c’est mon apprentissage de mécanicien qui m’a permis de me frotter pour la première fois aux responsabilités du chef matériel. C’est assez improbable hein ? » Pour le moins, oui. « Dans le cadre de mon travail de fin d’apprentissage, j’avais vécu une journée avec le responsable matériel du HC La Chaux-de-Fonds (Claude Sterchi) lors d’un déplacement à Zoug. C’était le thème de ce travail. » Quelques années plus tard, le voilà sorti de l’ombre et devenu sixième homme à son tour. Mission réussie ! Je rentre au Courrier. Cet article s’autodétruira quand tu le décideras.
Combien ça gagne un chef matériel ?
Comme souvent, l’encadrement qui gravite autour d’un club est essentiellement bénévole. Au CP Fleurier, ils sont beaucoup à s’activer pour faire vivre les nombreuses formations juniors et adultes. Pour ce qui est de la première équipe, en première ligue, Yannick Jeannin ne perçoit pas de salaire à véritablement parler mais un défraiement annuel. Ce défraiement, la « Marmotte » n’y dort pas dessus : « Je l’utilise pour offrir aux joueurs les collations que je prépare lors de chaque match. Des fruits, du chocolat et quelques autres petites choses qui leur font plaisir. C’est l’une des façons que j’ai d’avoir un impact positif sur le groupe et sur les performances. »
Les entraîneurs passent, le « chef mat » reste !
Chef matériel, quel est l’un des grands avantages de ce poste selon vous ? Eh bien la « sécurité de l’emploi ». Contrairement aux entraîneurs, son « contrat » est renouvelé tacitement d’année en année. En cinq ans, il a ainsi vu entrer et sortir trois coachs du vestiaire vallonnier : Sandy Jeannin, Philippe Marquis et Nicolas Motreff. Trois expériences fortes mais différentes : « Je me suis bien entendu avec les trois même si les deux premiers ont gardé une certaine distance avec moi. Cela allait avec leur caractère et tout fonctionnait très bien quand même. Depuis que ‹ Nico › a repris les rênes de l’équipe, je dois dire que j’ai tissé un lien assez fort avec lui. Je crois même pouvoir dire que nous sommes devenus amis. » Est-ce que cette proximité l’a encouragé à glisser un ou deux conseils à l’oreille du chef lors d’une rencontre un peu serrée par exemple ? « Pas du tout. Ce n’est absolument pas mon rôle et je n’ai pas le bagage nécessaire pour le faire. Je reste à ma place. » Cette place lui permet de vivre au plus près les hauts et les bas du club depuis cinq ans. Quels souvenirs garde-t-il instantanément en mémoire ? Sa réponse fuse : « La finale de groupe disputée la saison passée contre Star Chaux-de-Fonds. Hélas, mon souvenir le moins heureux concerne cette même finale. C’est bien sûr la défaite 1-0 subie lors du duel décisif… »