Sur les traces des trésors cachés du Val−de−Travers
Type de mission : rencontrer une victime du cancer du sein.
Renseignement sur l’objectif : personne touchée par la maladie depuis deux ans.
Localisation de l’objectif et date : Val-de-Travers – octobre 2024.
Observations du terrain : sujet sensible et potentiellement délicat. Écouter sans juger. Offrir l’anonymat à la personne qui sort du silence
Les mois se suivent et les causes ne se ressemblent pas. Pourtant, les maladies ne manquent pas et la sensibilisation ne s’arrête pas. Ainsi, octobre rose et son cancer du sein a laissé la place à novembre bleu et à ses maladies masculines tel le cancer de la prostate. Bien qu’utile, tout ceci est très abstrait et théorique. J’ai donc décidé de partir à la recherche d’un témoignage pour donner du corps et de la matière au sujet. C’est ainsi que je vous présente Monique (prénom fictif). Elle a eu 70 ans et elle se bat contre la maladie depuis deux ans. Lors de Noël 2022, la vie lui a déposé un drôle de cadeau sur sa route : un cancer du sein. Elle est immédiatement entrée dans « une énorme machine à laver » dont personne ne ressort indemne. « Je suis à la retraite mais j’ai un agenda aussi chargé que celui d’un ministre avec tous mes rendez-vous médicaux », expose la Vallonnière.
L’opération intervient 2 à 3 semaines après l’annonce
Une fois la nouvelle encaissée, tout va très vite ! « La machine s’emballe et l’opération a lieu très vite. Personnellement, j’ai eu de la chance car je n’ai pas eu à subir l’ablation totale du sein. Les médecins ont retiré seulement une partie car les métastases ne s’étaient pas propagées dans les lymphes. Cette période est très étrange car l’accompagnement est constant. On a conscience de vivre quelque chose de grave mais tout se fait naturellement. On fait ce que l’on nous demande, comme si on était une petite gamine. Et comme c’est un monde totalement nouveau, c’est rassurant sur le moment. » Monique utilise fréquemment le « on » plutôt que le « je » car elle répète très souvent qu’elle ne veut pas attirer l’attention sur elle et que les femmes sont beaucoup à le vivre. Au fil de notre échange, jamais Monique ne prendra le temps pour se plaindre de son sort : « Je ne dis pas que c’est facile. C’est très difficile. Mais j’ai conscience aussi que certaines personnes vivent des situations encore plus compliquées que la mienne. » Sans doute pour se protéger, la Vallonnière se réfugie d’abord derrière tout ce qu’elle trouve de positif à me dire. L’opération ? « Tout s’est très bien passé et je suis restée seulement deux jours à l’hôpital. J’avais une vue magnifique sur La Chaux-de-Fonds. »
Rémission : le mot qui fait peur !
Petit à petit, la septuagénaire entre dans les détails et laisse apparaître, par bribes, des moments plus délicats à gérer. « Après l’opération, j’étais soulagée d’être débarrassée de ce poids et de cette ‹ saloperie ›. Mais les médecins m’ont rapidement remise face à la réalité. Je me rappelle qu’ils ont prononcé le mot ‹ rémission ›. Ce mot fait mal et il est difficile à entendre. J’ai compris que je n’étais pas guérie et que j’allais vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête durant le restant de mes jours. Lorsque j’ai demandé à mon oncologue quel était le taux de récidive du cancer du sein, elle a préféré rester très vague et ne m’a pas répondu. » Avec les traitements actuels, ce taux se situe aux alentours de 20%. « À partir de ce moment, je n’ai qu’une idée en tête : que le cancer ne revienne pas ! » Si elle a évité la chimiothérapie, Monique n’a pas échappé aux rayons qui s’attaquent à la tumeur et ont pour but de la détruire. En revanche, elle n’a pas pu se passer de Létrozole. « C’est une toute petite pastille mais elle me casse littéralement. Elle me casse mais elle me sauve en même temps. »
Le Létrozole, ce « poison » qui vous sauve !
Cette petite pastille lutte assez efficacement contre le cancer du sein mais elle engendre aussi un grand nombre d’effets secondaires. « Entre 15% à 40% des femmes ne la supporte pas et elles arrêtent le traitement en cours de route. » Le Létrozole a l’avantage d’augmenter de 50% les chances de guérison mais il faut impérativement le prendre sur une période de 5 ans. « C’est un sentiment assez horrible. Je retrouve tous les effets indésirables de la ménopause mais en bien pire encore. Je ne peux même plus descendre les escaliers parfois. C’est le comble, j’ai fait attention toute ma vie à ma santé et ce traitement me bousille littéralement aujourd’hui. » Après deux ans de lutte, Monique fait preuve d’une incroyable force de caractère pour avancer. Elle a même la force de se montrer reconnaissante envers la vie. « Oui, je suis reconnaissante de ne pas avoir attrapé ce cancer plus tôt. C’est parfois compliqué en famille car je dis que tout va bien mais ce n’est pas vrai. Tout ne va pas bien. Mais il faut vivre alors je vis ! Je n’ai pas à m’excuser d’être malade. C’est la société qui est malade de juger celles et ceux qui le sont. Alors je n’ai pas à me cacher. Mon nom n’est pas Monique mais Mauricette ! » Mission réussie ! Je rentre au Courrier. Cet article s’autodétruira lorsqu’il aura suffisamment fait réfléchir…
Comment l’annonce de votre cancer vous a été faite ?
Tout a commencé de façon assez banale. Depuis l’âge de 50 ans, les femmes sont systématiquement invitées à une mammographie tous les 24 mois. « J’y suis donc allée sans crainte particulière. L’appréhension est réellement arrivée lorsque j’ai reçu un courrier m’expliquant qu’un nouveau rendez-vous allait être nécessaire. Comme c’est la première fois que j’avais droit à ce type de courrier, j’ai compris que quelque chose clochait », explique Monique. Puis, le couperet est tombé ! « On m’a annoncé la nouvelle à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds où il y a ‹ un centre du sein › et on m’a directement soumise à d’autres examens afin de situer plus exactement la tumeur. Il fallait aussi évaluer sa taille. Je veux vraiment remercier le personnel qui m’a tenu la main tout au long de ce processus. Ces gens sont vraiment extraordinaires. »
Pic des cas entre 65 et 74 ans. Les hommes aussi concernés !
En s’appuyant sur des chiffres établis entre 2016 et 2020, il est possible de mieux cerner la problématique et l’impact du cancer du sein chez la femme. Le cancer du sein est de très loin le plus répandu dans notre pays. Annuellement, il représente près d’un tiers des nouveaux cas de cancer (32%, 6500 cas). Il devance celui du côlon et du poumon. Il est intéressant de noter que l’on retrouve exactement les mêmes proportions chez l’homme, si l’on remplace le sein par la prostate. Chaque sexe a donc « son cancer majeur ». Au total, ce sont 1400 mortes par an pour le cancer du sein et 1400 morts par an aussi pour celui de la prostate. Chez la femme, il s’agit du plus mortel dans sa catégorie (18% des cas). Il est suivi de près par celui du poumon qui engendre 1350 décès supplémentaires chaque année. Précisons que le cancer du sein concerne également les individus masculins mais dans une très moindre mesure par rapport aux dames (50 cas et 10 morts par année). Grossissons maintenant un peu la loupe et entrons dans le détail du cancer du sein chez la femme. Avant 50 ans, il est relativement « rare » mais pas exclu. 11% des cas ont été décelés chez les 0 à 44 ans. On constate une première accélération des risques entre 35 et 44 ans (558 cas par an). Mais c’est vraiment plus tard que le risque augmente significativement : 1314 cas chez les 45-54 ans, 1346 cas chez les 55-64 ans et 1518 cas (soit environ un quart du total) pour les 65-74 ans. Cela diminue ensuite un peu à partir de 75 ans (1124 cas pour les 75 à 84 ans et 493 cas pour les personnes plus âgées).