Absinthe du Val-de-Travers IGP
Dans le différend qui oppose l’Association interprofessionnelle de l’absinthe (AIA) et l’Association des artisans-distillateurs d’absinthe du Val-de-Travers (AAA), une solution acceptée par les deux parties a été proposée à l’OFAG.
Au vu des divergences qui opposent l’AIA et l’AAA concernant le cahier des charges de la fabrication de l’Absinthe du Val-de-Travers IGP, un médiateur provenant d’un canton voisin a été désigné dans le courant du mois de mai 2023. Une solution acceptée par les deux parties a récemment été proposée à l’Office fédérale de l’agriculture qui devra dès lors se prononcer l’année prochaine.
Rappel de la teneur de l’ordonnance sur les AOP et les IGP, qui précise en son article 3 traitant de l’indication géographique :
1. Peut être enregistré comme indication géographique le nom d’une région, d’un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays qui sert à désigner un produit : a. originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays ; b. dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique, et c. qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée.
2. Les dénominations traditionnelles des produits qui remplissent les conditions fixées à l’al. 1 peuvent être enregistrées comme indications géographiques.
Le point de vue des deux associations
Pour l’Association interprofessionnelle de l’absinthe, laquelle représente la grande majorité des volumes produits dans l’aire géographique, il n’était pas concevable de produire une Absinthe du Val-de-Travers IGP contenant des plantes d’absinthes étrangères. Tout comme étaient produites les absinthes du Val-de-Travers avant la prohibition de 1910, les cultures des plantes de grande absinthe, de petite absinthe, de mélisse, d’hysope et de menthe servant à sa production ont été replantées par des agriculteurs de la région. Réunis dès le début des années 2000 au sein de l’association des cultivateurs d’absinthes du Val-de-Travers (ACAV), ils permettent ainsi de perpétuer la tradition.
À relever que l’article 3 de l’ordonnance ci-dessus n’impose pas la provenance des plantes et qu’il est possible d’obtenir une IGP sans avoir un seul ingrédient provenant de l’aire géographique.
Pour l’AIA, le consommateur qui achète un produit labélisé IGP doit non seulement avoir la garantie du savoir-faire mais également celle de trouver dans le contenu de la bouteille une partie de son terroir d’origine, particulièrement propice à la culture de l’absinthe.
Pour l’Association des artisans-distillateurs d’absinthe du Val-de-Travers, il semble légitime de produire une absinthe du Val-de-Travers contenant des plantes d’absinthes provenant de l’étranger ou en partie de l’étranger et du Val-de-Travers, ceci en référence à la période d’interdiction de 1910 à 2005 durant laquelle les cultures de la région avaient pratiquement disparu, ce pour d’évidentes raisons. Elle estime légitime de pouvoir bénéficier d’une Absinthe du Val-de-Travers IGP sans pour autant utiliser tout ou partie des plantes d’absinthes locales, par égard aux producteurs clandestins qui ont perpétué le savoir-faire et la tradition.
Un compromis afin d’obtenir la labellisation de l’absinthe du Val-de-Travers
Afin de ne pas abandonner deux décennies de travaux et d’efforts fournis pour protéger le produit emblématique du terroir régional et de ne pas laisser comme unique absinthe protégée par une indication géographique en Europe celle de voisins et amis de Pontarlier – un comble pour le Val-de-Travers qui en est le berceau historique –, dans l’intérêt général de la population du Val-de-Travers à laquelle appartient l’histoire de l’absinthe, un compromis satisfaisant les deux associations a pu être élaboré avec le soutien du médiateur désigné.
Ainsi, la proposition s’inspirant en partie de l’AOP Damassine et de ses deux référentiels « production issue d’arbres greffés » ou « production issue d’arbres sauvages » a été validée par les parties, soit celle d’une seule Absinthe du Val-de-Travers IGP avec deux référentiels :
• « Recette originelle issue de plantes d’absinthes cultivées au Val-de-Travers », lorsque la grande absinthe ou la grande absinthe et la petite absinthe proviennent du Val-de-Travers ;
• « Recette issue de la période d’interdiction », lorsque les absinthes proviennent de Suisse ou de l’Union européenne ;
Une des mentions en gras ci-dessus devant figurer sur l’étiquette de corps, sur la contre-étiquette ou sur un support solidaire de la bouteille ou du fût alimentaire.
L’Association interprofessionnelle de l’absinthe espère que l’Office fédéral de l’agriculture validera ce compromis et que l’Absinthe du Val-de-Travers pourra ainsi bénéficier de la protection attendue de longue date.
Philippe Martin, président de l’Association interprofessionnelle de l’absinthe