À l’heure du dernier train!
C’est la quille ! Quelques jours après le couple Bellassai (gérant du Denner de Couvet), c’est au tour du Vallonnier Pierre Bobillier de partir en retraite. Le désormais ex-conducteur de train est arrivé en gare de Fleurier, le 31 mars, sur le coup de 16 h 21. Des dizaines d’amis, de collègues et de membres de la direction de TransN l’attendaient pour le féliciter de ses 41 ans de service. Quelques minutes avant son entrée en gare, un énorme orage et une grosse coupure de courant ont donné à cette scène un aspect encore plus particulier. Nous étions sur le quai pour « le dernier train ». Récit !
Le ciel qui gronde, un ciel menaçant puis des litres d’eau qui s’abattent subitement sur Fleurier. Soudain, des vitrines qui s’éteignent en même temps et une vie comme figée dans le « tout Fleurier ». Cette coupure de courant a mis le village sur pause le temps de quelques instants. Même l’horloge de la gare s’est arrêtée, comme si une force de la nature voulait immortaliser à jamais ce moment. Les distributeurs de billets étaient également en panne, comme si, eux aussi, voulaient prendre le temps de dire « au revoir » à celui qui arrive au loin. Car oui, dans quelques minutes, c’est dans ce décor insolite que le Vallonnier Pierre Bobillier va déposer une dernière fois son train en gare de Fleurier.
Une carrière de 41 ans
Pendant qu’une cinquantaine de personnes l’attendent sur le quai, j’en profite pour en apprendre un peu plus sur le futur retraité. « Pierre a fait beaucoup de choses durant sa carrière donc il y a beaucoup de monde aujourd’hui. Il y a des mécanos, des employés de ligne et de voie, du personnel administratif et des membres de la direction de TransN. Il a marqué et formé plusieurs générations à travers ses 41 ans d’engagement dans le domaine ferroviaire », me dit Stéphane Le Lirzin, l’un de ses collègues du Val-de-Ruz. Le « nouveau retraité » boucle de belle manière une carrière qui l’a fait passer par les CFF, BLS, RVT et TransN.
Création d’une structure de formation à TransN
Il y a occupé différentes fonctions telles que mécanicien, conducteur, adjoint du chef de dépôt aux TRN de Fleurier, adjoint du chef de réseau chez TransN et formateur pour terminer sa carrière. En 2016, il a créé une structure de formation ferroviaire destinée à former des mécaniciens de locomotives sur voie normale et voie étroite. Il était accompagné par Eleonore Lucéa dans cette mission. « Ils ont énormément développé la formation des conducteurs chez TransN. Et on n’oublie pas ce qu’il a fait pour l’entreprise, vous le voyez bien. ça c’est l’esprit cheminot », poursuit le Vaudruzien.
Sa famille à ses côtés
Tout à coup, une dame commence à agiter les bras sur le quai. C’est janine, la maman de Pierre. Elle a repéré le train de loin et c’est la première à accueillir son fils pour sa dernière sortie. Les trois enfants de Pierre ainsi que sa femme ont carrément fait le trajet depuis Neuchâtel avec lui. Dès que le Vallonnier pose le pied sur le quai, le courant revient miraculeusement, l’horloge se remet en marche et les distributeurs « tournent » à nouveau. Fort ! Pendant ce temps, ses enfants sont vite sortis du train pour faire du bruit à grands renforts de cloches et de cors des Alpes. Pierre est ému. Même s’il s’attendait à un petit quelque chose.
Pas totalement hors circuit
« C’est moi qui organisais ce genre de choses jusqu’à aujourd’hui donc je pensais bien qu’il y aurait un comité d’accueil. Il y a du monde, ça me touche », révèle celui qui a vu le métier évoluer durant ses quatre décennies de services rendus. « Avant, il fallait savoir tout faire tandis que maintenant tout est plus structuré. Il y a de nombreuses spécialisations », fait-il savoir. D’ailleurs, Pierre ne se retire pas totalement du circuit. Il arrête de conduire les trains mais il continuera à travailler sur la partie technique auprès de l’association RVT-Historique. « J’entretiens nos différents véhicules comme la voiture-voyageur, la locomotive et l’automotrice. » Même à la retraite, en voilà un qui ne risque pas d’avoir une panne de courant…
Kevin Vaucher