1850 kilomètres de «randonnée intérieure»
C’est l’aventure d’un été et peut-être même d’une vie. Entre juin et septembre de cette année, la Vallonnière Véronique Tschanz Anderegg a parcouru 1850 kilomètres à pied sur le chemin d’exil des Huguenots. Ces protestants français avaient fui la France dans la 2e moitié du 16e siècle, persécutés qu’ils étaient par le pouvoir catholique de Louis XIV. Elle en est revenue profondément changée physiquement et intérieurement. Elle revient avec nous sur ce périple hors du commun.
« Je ne sais pas si je vais réussir à bien en parler car c’est quelque chose de très personnel. Je l’ai vécu comme un voyage intérieur et, plusieurs mois plus tard, je ne suis d’ailleurs toujours pas revenue totalement en phase avec ma vie d’avant », confie Véronique Tschanz Anderegg. Il faut dire qu’elle a marché des jours, des semaines et des mois dans une solitude quasi totale. « J’ai fait quelques rencontres bien sûr mais très peu de gens avaient entrepris la même démarche que moi en empruntant volontairement le chemin d’exil des Huguenots et des Vaudois du Piémont. » Pour la mauvaise nouvelle du jour : l’un des randonneurs qu’elle a croisés est porté disparu aujourd’hui.
En manque, elle sort sa tente et campe dans son jardin
On est loin du très couru pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Ce qui n’enlève en rien l’intensité des moments vécus sur les chemins de France, de Suisse et d’Allemagne. La pasteure du Val-de-Travers avait d’ailleurs prévu un sas de décompression avant de renouer avec son activité professionnelle et sa « vie de tous les jours ». « J’ai marché durant trois mois et demi et j’ai pris cinq mois de congé professionnel pour ‹ revenir sur terre › calmement. » Malgré ses précautions, la femme de 58 ans a ressenti un manque à son retour et elle a donc ressorti sa tente pour dormir deux à trois nuits dans son jardin. « Cela peut paraître un peu dingue mais mon mari Laurent a parfaitement compris. » Ouf, on a évité la querelle de couple pour cette fois !
32 kilomètres en une journée
Mais commençons par le début. Le 7 juin dernier, Véronique Tschanz Anderegg est partie sans avoir trop planifié son aventure. « Je ne savais pas où j’allais dormir et encore moins sur quel rythme j’allais pouvoir avancer. J’y suis allée au jour le jour. » Au fil de son avancée, la forme s’est faite bonifiante et elle a augmenté le kilométrage. De 15 à 20 bornes par jour, elle est passée à 25 puis à trente avec un record à 32 kilomètres en une journée. Avait-elle du retard pour accélérer pareillement la cadence ? Elle rigole : « C’est une très bonne question. J’avais tout mon temps mais je commençais à en avoir un peu marre il faut l’admettre. J’avais hâte de revenir chez moi. »
Deux nuits d’hôtel en cours de route
Chez elle, elle y est exceptionnellement revenue une fois en urgence afin d’assister « au départ » de son chien, fatigué. « Finalement, il a fait un tel cinéma chez la vétérinaire qu’elle a décidé de ne pas l’endormir ce jour-là. » C’est avec 7 kilos en moins que Véronique l’a donc retrouvé quelques semaines plus tard. Ce ne devait pas être l’heure de son exil… Sur la route, la marcheuse a profité de son passage en Suisse pour retrouver un peu de vie sociale. « Mes proches sont venus à ma rencontre et mon périple est entré dans une autre phase, moins solitaire par moments. » Ses amis lui ont même offert le « luxe » de deux nuits d’hôtel pour la « requinquer ».
La tendinite à un mollet de fin de parcours
Au niveau des repas, le « festin » était réduit au strict nécessaire pour ne pas surcharger son sac à dos qu’elle transportait à l’aide d’un chariot spécial de randonnée. « C’était un pique-nique le midi et une soupe en sachet cuite sur un réchaud à gaz le soir. » Elle y ajoutait une ration de féculents pour être d’attaque le lendemain. Au total, la Vallonnière a englouti 1631 kilomètres avant de connaître… une tendinite à un mollet. Il a donc fallu se résoudre à parcourir les 120 derniers kilomètres en train ? « Pas tout à fait », ajuste-t-elle. « C’était inconcevable de terminer ce chemin balisé en train alors j’ai tenu à marcher les trente derniers kilomètres jusqu’à Bad Karlshafen. » La ligne d’arrivée de la randonnée était franchie. Mais le cheminement intérieur, lui, il continue…
Kevin Vaucher