Volleyball
Dans la tête de Valtra (3)
Alors qu’il reste deux parties avant la fin du championnat et que Valtra est à la bagarre pour une place en play-off, le Courrier va suivre de l’intérieur ce « sprint final » sportif et mental. Les deux derniers matches de championnat sont deux quitte ou double puisque l’équipe de Luiz Souza affronte ses deux concurrents directs et qu’il ne reste qu’un seul ticket à prendre pour les séries finales. L’expérience dans le « team building » de la coach mental du club Michèle Gauthey pourrait bien être un « plus » décisif pour les volleyeuses du Vallon. Même si au final c’est aux joueuses de s’approprier ces outils mentaux pour faire la différence.
La semaine dernière, Michèle Gauthey nous a parlé de la blessure de Marina Tushova puis de son départ soudain un peu plus tard dans la saison. Deux événements responsables d’influences négatives sur le mental de ses « protégées ». En plus de ces mauvaises émotions, la pression est peu à peu venue s’amasser sur les épaules des filles de Luiz Souza. Avec les renforts annoncés en fin d’année, le défi consiste aujourd’hui à retrouver une stabilité et des conditions plus favorables vers la « zone de performance ». Et l’impact des défaites dans tout ça ?
L’important n’est pas tant les défaites mais d’arriver à gommer les erreurs en les analysant. En réception par exemple, il est possible de mieux se préparer à faire face en décryptant simplement les services de l’adversaire.
Un travail qui peut se faire en collaboration avec l’entraîneur Luiz Souza. Les progrès sportifs interagissent évidemment sur la confiance et sur le mental et inversement.
« Après chaque point, il faut penser à la balle suivante »
Il est important de trouver le bon rythme aussi. Cela peut se faire en ayant une routine pour aller servir, être calme, visualiser son service et agir ensuite. Pour pouvoir le faire, il est important d’être ancré dans l’ici et le maintenant. Après chaque point, gagné ou perdu, c’est du passé et il faut l’oublier. La balle suivante, voilà sur quoi la joueuse doit uniquement fixer son attention. Collectivement, il faut finalement réussir à se parler positivement.
Dans un sport d’équipe, c’est un passage obligé. Vouloir aider l’autre, apporter son soutien, rester solidaire et s’entraider sont des attitudes primordiales pour faire grandir la confiance indispensable à la quête de victoires. Trouver la cohésion demande un investissement de chaque instant et c’est la même chose dans chaque club. à chaque fois qu’une équipe sort de la zone de performance, la cohésion se retrouve en danger.
La défaite, le virus du sport ?
Hélas, les moments de cohésion ont été largement minoritaires au sein de Valtra durant ce championnat.
Idéalement, il faut être capable d’avoir une bonne communication interne pour ensuite avoir une bonne communication externe collective. C’est ce qui doit permettre de se protéger des influences négatives dans la réalisation de ses objectifs.
Ce qui vaut pour le sport vaut aussi pour la vie de tous les jours. En ces temps de pandémie à toutes les sauces, les ondes négatives ne manquent pas.
La gestion de leur état émotionnel est souvent le plus gros problème rencontré par les gens qui font appel à moi,
raconte Michèle Gauthey.
Une situation stressante mange l’énergie disponible et épuise en conséquence les individus.
Une série de défaites ou un virus particulièrement tenace sont des exemples parfaits de situations stressantes.
En sport, il n’y a pas de performance s’il y a mauvaise gestion émotionnelle. Qui dit mauvaise gestion émotionnelle dit zones vicieuses telles que la zone de panique et la zone de routine. Cette dernière est particulièrement perverse car on ne sait pas qu’on y est jusqu’à ce qu’intervienne une erreur. C’est uniquement à ce moment-là qu’on comprend qu’on était dans la zone de routine. Or dans cette zone, il n’y a ni défi, ni performance, ni évolution.
C’est le point de départ de nombreuses désillusions sportives.
L’attaque, la fuite ou la sidération
Pour les éviter, la coach mental a son arme secrète dans le vestiaire de Valtra : un paperboard avec des schémas et des conseils en anglais. Pourquoi en anglais ?
C’est pour que les joueuses étrangères participent aussi à l’élan collectif. Je me base sur leurs attitudes et leur langage corporel sur le terrain pour les faire travailler.
Et sans surprise, ce sont les signaux de stress qui sont parmi les plus perturbateurs dans une équipe :
Le mécanisme du stress amène des réponses automatiques liées au système nerveux autonome et archaïque. Il y a trois attitudes possibles, à savoir l’attaque, la fuite et la sidération (un état de blocage qui ne permet pas de réfléchir et de trouver des solutions). Sur le terrain cela peut se traduire par un manque de lucidité. La solution pour sortir rapidement d’un état de stress est la respiration abdominale.
Le recrutement vidéo des joueuses étrangères
Chaque personne est différente et est plus ou moins sujette au stress. De plus, chaque joueuse peut laisser sortir son stress de façon différente, ce qui multiplie d’autant les problèmes potentiels à résoudre. L’idéal serait donc de pallier ces incertitudes liées aux réactions possibles des joueuses en connaissant à l’avance leur « profil » complet.
Comme le recrutement des étrangères se fait sur vidéos, on ne connaît pas à l’avance leur tempérament et leur éthique de travail. Quand elles arrivent au club, je leur demande quelle trace elles veulent laisser derrière elles pour essayer de mieux percer qui elles sont. Pourquoi sont-elles venues jouer à Valtra et qu’est-ce qui les motive ? Elles sont les seules à pouvoir répondre à ces questions.
Quant à leur trace et à savoir si elles pourront partir la tête haute, c’est l’avenir qui nous le dira ! Et cet avenir se jouera en l’espace de sept jours, d’abord le 29 janvier à Lugano puis le 5 février à domicile contre Toggenburg. Quelqu’un m’a appris que c’est dans l’adversité et les moments qui comptent qu’on sépare les vrais hommes des gamins et les gagnants des perdants. Et si on accordait cette règle au féminin ?
Kevin Vaucher