Une lettre de portée historique !
C’est dingue de penser à ce que peut parfois engendrer une simple lettre ! Une lettre écrite par Jean-Bernard Wieland, de la société de tir « La Verrisanne », a dernièrement pris une tournure historique. Alors qu’il envisageait de créer un tir commémoratif pour honorer la mémoire des Bourbaki, sa demande écrite a été réévaluée pour viser encore plus haut : le tir historique. Un statut qui a été obtenu avec panache pour souligner l’importance de l’événement des Bourbaki sur le plan national. Le Tir des Bourbaki devient ainsi le dix-huitième à bénéficier de « ce grade » en Suisse et le premier sur sol neuchâtelois.
Ce n’est nullement une maladresse de facteur – comme dit la chanson – qui a abouti au premier tir historique des Bourbaki mais une conviction. La conviction que ce fait militaire sans précédent, ayant eu lieu aux Verrières en 1871, méritait bien d’être fêté par quelques coups de cartouches tous les douze mois. Cette conviction était initialement portée par Jean-Bernard Wieland de la société de tir du village. Il a rapidement été clair qu’il n’était pas le seul à le penser. Comme lui, 260 tireurs ont souhaité associer leur mémoire à celle de cet évènement. Ils l’ont fait du 5 au 7 mai dernier lors de ce premier tir historique sur sol neuchâtelois. Le « Fribourgeois alémanique » Simon Rickli a été sacré sur 300 mètres et le Vallonnier Ueli Gerber a été le plus précis sur 25 mètres. Signe concret de l’importance de ce tir, ils ont reçu, jeudi soir, des dons d’honneur du Conseil fédéral au restaurant de l’Hôtel de Ville des Verrières.
Yvan Perrin et le colonel Jordan sur la photo
Un fusil pour l’un et un pistolet pour l’autre. Le symbole était d’autant plus beau que nous nous trouvions à l’étage de l’Hôtel de Ville où un panorama géant, une galerie photos ainsi qu’un mini musée sur le sujet nous entouraient. L’image était belle, très belle même lorsque Jean-Bernard Wieland, le colonel Jean-Luc Jordan et le président de la Société neuchâteloise de tir sportif Yvan Perrin se sont avancés pour entourer les deux lauréats du jour. À la force de l’image, se sont associés des mots chargés de fierté et de soulagement. « On ne savait pas bien où on allait avec la pandémie en fin d’année 2021 mais il fallait que l’on fasse avancer notre projet. À cette période, les initiateurs du projet étaient un peu désorientés et mis à mal par un ennemi tenace (le virus). Quelque 150 ans plus tôt, l’armée du général Bourbaki – désorientée et mise à mal – avait décidé de traverser la frontière franco-suisse pour s’en sortir. Les Verrisans se sont quant à eux réfugiés dans le contenu d’une lettre pour débloquer la situation favorablement.
Une lettre qui tombe en de bonnes mains
Cette simple lettre a déclenché une suite d’événements inattendus pour nous. Une lettre c’est dix minutes et c’est un franc de timbre.
C’est surtout un destinataire. Et il faut que ce soit le bon qui l’ouvre pour atteindre sa cible. Dans ce cas, il s’avère que c’est Andreas Stricker, vice-président des tirs historiques suisses, qui a décacheté l’enveloppe. Dans le mille ! Une autre lettre a ensuite été renvoyée en réponse à « La Verrisanne ».
Elle indiquait que l’événement des Bourbaki avait été retentissant sur deux plans. D’abord par cette débâcle de l’armée française, accueillie en Suisse. Puis par la première grande mise en œuvre du principe de la Croix-Rouge souhaité par le général Guillaume-Henri Dufour (l’aide aux personnes en difficulté lors de conflits). Monsieur Stricker m’a fait comprendre que cela valait mieux que le statut de tir commémoratif, c’est-à-dire celui de tir historique.
Le projet montait donc en grade. Les Verrières pouvaient potentiellement accueillir le 18e tir historique de Suisse, le 2e de Romandie et le 1er du canton de Neuchâtel.
Mais… il a fallu ressortir les timbres.
Les Verrières aux côtés de Morgarten et du Grütli
Une lettre envoyée au Conseil fédéral, une autre au commandant de corps Hans-Peter Walser et quelques autres envois plus tard, voilà que la bonne nouvelle arrivait déjà en retour. Le Tir des Bourbaki serait bien le 18e tir historique de Suisse, au même titre que celui de Morgarten et du Grütli.
Cette reconnaissance fédérale est exceptionnelle, il faut bien se rendre compte de la portée de l’événement pour le canton de Neuchâtel. C’est… historique !
Les autorités cantonales n’ont, semble-t-il, pas bien saisi la portée de ce qui a été fait aux Verrières, se contentant d’envoyer une simple lettre de félicitations. Une « lettre morte » en quelque sorte. Qu’à cela ne tienne, le stand vallonnier sera encore dans le bon coup ces deux prochains week-ends. Il fait partie des douze stands neuchâtelois chargés d’accueillir les 3500 tireurs de la Fête cantonale de tir. Sur trois semaines (la compétition a débuté le week-end dernier), 250’000 cartouches voltigeront pour trouver leur grand champion. Question : le nom du gagnant arrivera-t-il par lettre ?
Kevin Vaucher