Juridique
Un policier piégé par WhatsApp
D’ordinaire, ce sont les parents qui s’inquiètent que leurs enfants ne soient la proie des dérives que peut engendrer l’utilisation des réseaux sociaux. Mais ce qui suit n’est pas ordinaire.
X…, depuis 17 ans dans la police municipale de la ville de Genève, est sergent-major instructeur. En 2017, il s’est vu attribuer la fonction de référent d’école pour l’ensemble de la formation des agents de police municipale.
Le 24 mars 2017, un aspirant de l’école de formation de la volée 2016-2017 a créé un groupe WhatsApp afin d’échanger des souvenirs. Il était composé des formateurs de la police municipale (dont X…), de deux formateurs de la police cantonale et de tous les aspirants de la volée. En plus des souvenirs, furent échangées des réflexions totalement inadéquates à caractère raciste, sexiste ou d’ordre sexuel. Non seulement X…, en tant que responsable hiérarchique des instructeurs, n’a-t-il pas mis fin à cet échange mais y a aussi participé en envoyant des messages dont deux irrespectueux et à connotation sexuelle. Cette affaire est ressortie au début de l’été 2018 alors que le groupe WhatsApp avait été dissous entre-temps.
Après avoir donné à X… le droit de s’exprimer, le Conseil administratif de la Ville de Genève a prononcé la résiliation immédiate de l’engagement de X…, pour justes motifs. Ladite décision relevait que l’intéressé avait gravement failli à ses obligations et en prenant part activement à une discussion à caractère inconvenant et grossier et en ne rappelant pas les participants à leurs devoirs. Il n’était plus digne de confiance et les règles de la bonne foi ne permettaient plus la continuation des rapports de travail.
Saisie d’un recours de X…, la chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après « la Cour cantonale ») a ordonné la réintégration de l’intéressé au sein de la fonction publique de la Ville de Genève après avoir tenu compte de la longue carrière sans tache de X…, considéré que les manquements retenus constituaient un acte isolé et qu’aucun reproche n’avait pu lui être fait entre la soirée du 24 mars 2017 et la décision de licenciement immédiat du 25 juillet 2018. Contre ce jugement, la Ville de Genève a formé en vain un recours auprès du Tribunal fédéral pour que soit confirmée la décision de résiliation immédiate. Mais le TF, dans un arrêt du 9 juillet 2020, a considéré que la décision de la Cour cantonale n’était pas arbitraire.
Finalement, X… s’en est bien sorti mais il a dû sentir passer le vent du boulet. Il n’en reste pas moins que, malgré son ancienneté, sa formation, ses attributions de formateur, il s’est fait avoir comme un « bleu » par les échanges des aspirants dont il était responsable. Le contenu des deux messages qui lui étaient reprochés (« Fils de pute » accompagné d’un émoticône d’une main avec le majeur tendu vers le haut et « Je suis vraiment chaud » avec un émoticône d’une bouche tirant la langue) ne cadrent de loin pas à ce que l’on peut attendre d’un sous-officier supérieur responsable. C’est sans doute à cette conclusion qu’était parvenu le Conseil administratif de la Ville de Genève.
ATF 8C_336/2019
Blaise Galland, avocat