Il y a 50 ans, la route du Vallon changeait à jamais

Aujourd’hui, pour ceux de moins de cinquante ans, l’accès au Val-de-Travers depuis Bôle et le Littoral via le tunnel de La Clusette tient de l’évidence, et ce même en ces temps de travaux de remise aux normes entrepris dans celui-ci depuis 2022. Or, il fut un temps où la route pour rejoindre le Vallon depuis Rochefort était plus incertaine et souvent sujette aux éboulements engendrant des fermetures. Cette époque date de plus d’un demi-siècle et vit son terme, il y a cinquante ans précisément, avec l’inauguration du tunnel de La Clusette, le 14 novembre 1975. Pour cette date anniversaire, soit demain, nous nous sommes plongés dans les archives de 1975 de notre journal, afin d’appréhender ce que constituait cette construction pour le Val-de-Travers.

Au regard du troisième cahier de notre édition du 14 novembre 1975, entièrement consacré au tunnel et à l’histoire de La Clusette, l’événement était plus que marquant pour la région. D’ailleurs, en Une de cette édition, le Courrier du Val-de-Travers titrait, « La Clusette : bravo et merci ! ». En première page, le préambule du troisième cahier donnait le ton en parlant d’une « journée historique ! ». « Cette remarquable réalisation, qui fait l’admiration des spécialistes en la matière, est le résultat d’un long effort. Il faut souligner ici, tout d’abord, l’obstination des Vallonniers à réclamer leur tunnel […] », écrivait notre éditorialiste, avant également de saluer le « courage » du conseiller d’État Carlos Grosjean pour défendre les intérêts du Vallon et « proposer un projet audacieux ».

Autre projet digne d’un conte

Un conseiller d’État de l’époque qui publiait un texte intitulé « Le percement du tunnel de La Clusette ou l’épilogue heureux d’une longue histoire » en début de ce cahier spécial. Carlos Grosjean y relevait que « pour la première fois depuis le 15^e siècle, […] La cluse de Noiraigue ne causera plus de soucis aux habitants du Val-de-Travers ». En effet, les mésaventures sur cette « voie séculaire de communication entre la Suisse et la Bourgogne » furent nombreuses. Le conseiller d’État citait l’écrasement par un « quartier de roche », en 1795, du pasteur de Saint-Sulpice ou, en 1816, déjà des « clameurs » qui s’élevaient au sujet de l’inaction du gouvernement.

Enfin, l’édile cantonal rappelait l’éboulement de 1968 ayant provoqué une demande des élus du Val-de-Travers pour trouver une solution au problème de La Clusette et l’un des projets de tunnel qui aurait débouché à la Béroche, « un tunnel de 5.5km, soit la longueur du San Bernardino, […] ». « Avec sagesse, les autorités abandonnèrent cette idée digne des Contes de Perrault pour vouer leur attention à vaincre La Clusette par un tunnel de 1 km […] », écrivait Carlos Grosjean.

Histoire mouvementée

Des considérations techniques qui étaient toutes rapportées dans la troisième page de ce cahier spécial en 1975, telles que les explications géologiques, les différents projets étudiés et les caractéristiques du nouveau tunnel, de sa longueur à l’éclairage de celui-ci, en passant par la largeur de la chaussée. En quelque sorte le mode d’emploi d’un tunnel espéré par toute une vallée depuis des décennies. Justement, la cinquième page de notre édition du 14 novembre 1975 revenait sur « l’histoire mouvementée de La Clusette » au travers de notes des travaux de l’archiviste de l’État, Jean Courvoisier, parues en 1970 dans le Musée neuchâtelois.

On y expliquait notamment l’origine du nom de Clusette, soit « dans le Jura », « une gorge ou un défilé creusé transversalement à une chaîne de montagnes », la première mention du lieu en 1360, les premières mentions de « l’état lamentable de la route » en 1493, ou encore un « énorme éboulement » de la route en 1816. « On le voit, l’histoire de la route de La Clusette aura été, de tous temps, fort mouvementée ! », concluait l’article.

La cérémonie d’inauguration fut brièvement couverte dans l’édition du 21 novembre 1975 de notre journal, avec le titre « Un Tunnel ‹ comme ça ›… ». Qualifiée de « brillante », celle-ci avait vu notamment la présidente du Grand Conseil, Janine Robert-Challandes, couper symboliquement le ruban, et avec Carlos Grosjean et le conseiller national Rémy Schläppy franchir, tout aussi symboliquement, le tunnel dans une automobile Jeanperrin de 1897. Cinquante ans après son inauguration, le tunnel de La Clusette effectue actuellement sa cure de jouvence pour le demi-siècle à venir, même s’il est difficile d’imaginer qu’il ne fût pas toujours là.

Gabriel Risold