Solidarité au cœur de la nuit
Parfois, c’est dans les moments tragiques que se révèle le meilleur de l’humain. Comme cette nuit du 23 mars lorsque le corps sans vie d’un spéléologue a été extirpé de la grotte du Bois des Rutelins après des heures d’efforts. La quarantaine de membres du Spéléo Secours, venus de tout le pays, lui ont alors rendu un hommage chaleureux et intense dans le froid et l’obscurité.
Quelques lumières frontales ici et là, des voitures de police et des hommes qui assurent la circulation très éparse. à l’horloge, il est 4 h 30 en ce mardi 23 mars et ce bouillonnement inhabituel est l’épilogue d’un drame qui s’est joué quelques heures plus tôt. Parti en exploration sur le secteur du Bois des Rutelins dans l’une des plus grandes grottes du canton, un spéléologue a fait une chute mortelle de dix-sept mètres dimanche dans l’après-midi. L’une des personnes qui l’accompagnait est remontée à la surface pour donner l’alerte mais il était déjà trop tard pour le sauver malgré l’intervention de la Rega et d’une médecin-plongeuse.
Honneur et communion en silence
Commençait alors une impressionnante opération pour remonter le corps du Bernois de 45 ans. Le drame s’est déroulé à deux heures de marche de l’entrée de la cavité et à l’arrière de passages immergés. Voilà pourquoi le dénouement de cette triste histoire a eu lieu plus de trente heures plus tard. Yan Dubois, des pompes funèbres du même nom, a été l’un des premiers informés de la situation par la police. Il a amené du matériel sur place lundi matin afin de garantir une bonne prise en charge de la personne décédée.
Après une longue période d’attente, c’est aussi lui et son équipe qui se sont occupés du défunt le lendemain à 4 h 30 du matin. Dans cette atmosphère spéciale, l’apparition de leur véhicule dans la pénombre semblait avoir soudainement suspendu le temps. Réunis en arc de cercle autour du corps soigneusement couvert, tous les spéléologues veillaient sur celui qui était l’un des leurs avec les visages marqués mais sereins. Dans un silence complet, l’équipée funéraire s’est alors discrètement et efficacement déployée.
« Une première en 25 ans de métier »
Un moment de recueillement a rassemblé tous ceux qui avaient œuvré pour ramener l’homme à la surface. Puis, les spéléologues sont venus aider à porter le corps afin de l’accompagner jusqu’au bout. Cette intervention a marqué au fer rouge Yan Dubois, pourtant rompu à l’exercice :
D’avoir autant de monde autour du corps et de voir une telle solidarité est extrêmement rare. Je peux même dire que c’est une première en vingt-cinq ans de métier. Il se dégageait vraiment quelque chose de fort et d’impressionnant à la fois.
Une humanité et une solennité qui approchaient le mystique.
C’est dans une ambiance de quasi-cathédrale à ciel ouvert que le corps a été emporté par ces hommes de l’ombre dont le travail – notamment ces derniers mois – est trop peu salué. L’héroïsme et l’engagement des « sauveteurs » présents est tout autant à souligner. Heureusement, il est rare que de tels événements se terminent si tragiquement.
En 2013, un spéléo avait été piégé plusieurs jours dans une grotte du côté de Môtiers mais il avait finalement pu être secouru à temps,
rappelle Yan Dubois. Ce dernier intervient une quinzaine de fois annuellement de nuit dans le cadre de son activité et n’a donc pas été déstabilisé d’agir à ce moment-là. Ainsi va la vie d’héros ordinaires.
Kevin Vaucher