La démocratie et le souverain
La peur est un excellent moyen pour diriger les gens : elle montre les dépendances. Aujourd’hui c’est celle de l’énergie.
Depuis soixante ans nous avons défiguré les montagnes avec des stations touristiques ; c’est ce qui nous a rendus dépendants du tourisme. Bien sûr il y a quelqu’un qui en profite, mais certainement ce n’est pas la nature. Les télécabines ont besoin d’énergie, les canons à neige ont besoin d’eau et d’énergie, les hôtels ont besoin d’énergie et d’eau… beaucoup d’énergie, beaucoup d’eau… c’est ce qui va nous manquer, si les derniers pronostiques sont justes.
Que faire ? Tout fermer ? Toute cette splendeur, la laisser tomber en ruine ? Non, c’est impossible !
La destruction serait trop visible. Les montagnes sont faites pour notre plaisir et notre profit, sinon à quoi d’autre serviraient-elles ? Des villages morts, des villes mortes, toute cette machinerie immobile, dispersée partout dans la nature ? Des choucas qui cherchent dans les déchets de quoi se nourrir ? Et les nuits sans lumières ?
L’économie, elle nous rend tellement heureux avec ces constructions. Tout cet argent que nous y avons investi, pour rien ? Perdu ? Non, c’est impossible ! « Too big to fail ».
Chacun et chacune de nous, nous qui sommes le souverain de notre démocratie, nous allons prendre soin de cette entreprise touristique, de cette économie : qu’elle continue, qu’on nous permette aussi vite que possible de construire des megaprojets dans les montagnes pour cette énergie dont nous ne pouvons nous passer. Et parce que l’urgence est tellement pressante, on va balayer et ignorer toutes nos pratiques démocratiques.
C’est comme dans une guerre, on abolit les organisations qui s’occupent de la protection de la nature et de la démocratie. Les investisseurs et les constructeurs peuvent continuer de défigurer l’environnement pour garder ce qui a déjà été fait. Les gagnants parlent de valorisation.
Avec cette démarche nous pensons que notre économie va continuer de croître. Voulons-nous l’indépendance énergétique pour pouvoir continuer dans la dépendance du tourisme ?
Soyons fiers de notre système ! Ce système est dirigé par l’économie et l’argent, par le constructivisme destructif. Soyons souverains de notre démocratie !
H. Salvisberg, Buttes