Lettres ouvertes
J’aime ma caissière
Samedi 18 décembre, midi et quart. Je fais mes commissions au supermarché de mon village. Je fais partie de celles et ceux qui s’y rendent autour de midi, en théorie pour « faire vite » puisque logiquement la plupart des gens sont déjà à table. Mais nous sommes nombreux et au lieu de faire vite, nous nous rencontrons et c’est très plaisant !
Je patiente à l’une des deux caisses ouvertes. D’ailleurs, pourquoi n’y en a-t-il que deux ? Soudain, « ma » caissière nous demande de changer de file d’attente. Elle a été appelée pour s’occuper d’autre chose dans le magasin. Du coup, nous nous trouvons à huit à faire le pied de grue derrière la même et unique caisse ouverte. On entend quelques « …fait ch… » murmurés.
Et là j’ai une idée : j’ai entendu dire que notre coopérative locale va bientôt installer des caisses automatiques très en vogue où le/la client-e scanne ses achats et paie sur une machine. Ce manque de caisses ouvertes ne créerait-il pas l’inconfort idéal pour prédisposer la clientèle à l’accueil enthousiaste du « self check-out » ?
Le concept du self check-out me rend malade. La finalité proclamée est un gain de temps. Le but réel est clairement une économie de personnel : il faut une personne pour superviser quatre caisses automatiques. Pas besoin d’avoir fait des études supérieures pour comprendre.
Notre société se déshumanise à une vitesse folle. Nous allons en ligne droite vers un monde robotisé où nous devrons prendre rendez-vous dans un centre spécialisé pour trouver quelqu’un à qui faire un brin de causette. Ce sera peut-être remboursé par l’assurance maladie au même titre que nos antidépresseurs.
Mais il y a à faire, en tout cas face à ces caisses automatiques dont nous ne voulons pas. Ne les utilisons pas ! Créons des bouchons derrière la seule caisse « normale » ouverte. Partons en laissant nos achats si on ne nous met pas à disposition une vraie caisse. Menons une action collective de résistance, goûtons à notre pouvoir citoyen ! Ce serait juste un premier petit pas qui pourrait nous conduire bien plus loin.
Adriana Ioset,
POP section Val-de-travers