Le chemin franco-suisse de la résistance
Sur les traces de la résistance
Deux jours d’inauguration seront consacrés ces vendredi et samedi au nouveau chemin de mémoire Michel Hollard. Cette nouvelle trace balisée de randonnée relie Derrière-le-Mont (France) à La Brévine et fait 6.8 kilomètres pour 400 mètres de dénivelé positif. ça grimpe trop, vous dites ? Cela n’a pas empêché le résistant français Michel Hollard d’effectuer ce chemin 98 fois durant la Deuxième Guerre mondiale. Il le faisait pour délivrer des rapports de renseignement aux alliés via Berne et Lausanne. Marchons vers cette bravoure !
Les intempéries, la fatigue et les risques d’être pris en flagrant délit par les Allemands : Michel Hollard est passé au-dessus de tout cela lorsqu’il traversa près de cent fois la frontière franco-suisse entre 1941 et 1944. Cet homme, dont la famille est originaire d’Orbe, est né en 1898. L’histoire a voulu qu’il connaisse deux guerres. Mieux, il y a participé. Il se bat une première fois contre les Allemands en 1914-1918 et est décoré de la croix de guerre. Quand éclate le second conflit mondial et que les armées françaises sont vaincues, il fonde le réseau de résistance AGIR. Solide sur ses convictions, il refuse un poste à responsabilités à Tulle pour ne pas travailler pour les autorités d’occupation allemandes. Commence alors son activité clandestine de renseignement pour les alliés et plus spécifiquement pour les services secrets britanniques.
Le long chemin de l’information
Comme tout bon homme des renseignements, il se cherche une couverture. Il trouve un poste de représentant d’entreprise qui lui offre un prétexte parfait pour justifier ses nombreux déplacements. En réalité, le natif d’épinay-sur-Seine collecte des informations sur les installations militaires du Troisième Reich et les différents mouvements des troupes ennemies. L’information transite par les ambassades anglaises de Berne et de Lausanne. Mais pour l’acheminer jusqu’en Suisse, Michel Hollard devait se frotter à un véritable parcours du combattant. C’est le bon terme. Pour assurer un suivi régulier des opérations, il se rend en Suisse tous les 15 jours. Il prend d’abord le train puis le vélo et il termine à pied par les sentiers reliant Derrière-le-Mont (Louadey), Châteleu, Chobert et enfin La Brévine.
Rapports planqués dans des boules de foin
Habillé comme s’il allait bûcheronner dans le massif, il portait ses rapports roulés dans une boule de foin. En cas de danger, il pouvait ainsi les lâcher en pleine nature en limitant les risques d’être démasqué. Son action a certainement indirectement permis de sauver Londres et le maintien du débarquement de juin 1944. En effet, c’est grâce à son réseau que les Anglais ont été informés de la mise en place de quelque soixante rampes de lancement de missiles V-1. Toutes étaient dirigées sur Londres et sur les ports britanniques qui préparaient le débarquement de Normandie. Fin 1943, ces rampes ont pu être détruites avant qu’elles ne soient utilisées par l’Allemagne.
98 dessins présents sur le balisage
C’est pour rendre hommage à ce « juste » et à tous ceux qui l’ont aidé que la Communauté de Communes du Val de Morteau a eu l’idée de créer un chemin de randonnée passant au plus près des différents points de passages de l’itinéraire clandestin du courageux Français. La commune de La Brévine a été sollicitée comme partenaire du projet et le sentier a été balisé durant l’été. Sur le parcours, 98 dessins d’Emmanuel Guibert ont été incrustés sur les balises en clin d’œil aux 98 passages de frontières de celui qu’on appelle « L’homme qui sauva Londres ». Neuchâtel Rando a offert son savoir pour installer des poteaux, des indicateurs ainsi que des flèches en complément. Ceci pour que le balisage soit analogue à un autre chemin franco-suisse reliant La Brévine à l’Auberge du Vieux Châteleu.
Résistant jusqu’à son dernier souffle
Le départ pour ces deux sentiers se fait depuis le lac des Taillères. Un sentier pédestre a été créé pour rejoindre l’itinéraire du « Chemin Michel Hollard » via Chobert, au nord de La Brévine. Les festivités de ce week-end se passeront essentiellement en France voisine. La Brévine accueillera cependant une cérémonie pour la pose d’une plaque commémorative, en hommage à Michel Hollard, samedi à 17 h 30 (place du village). Discours, cor des Alpes et verre de l’amitié sont programmés. Mais terminons par un dernier mot sur celui qui est décédé le 16 juillet 1993. Il est mort 6 jours après son 95e anniversaire après une belle et longue vie. Comme quoi, les meilleurs ne partent pas toujours les premiers. Résistant jusqu’à son dernier souffle !
Kevin Vaucher