Jean-Bernard Wieland
L’heure du bilan politique
Depuis le 1er janvier dernier, Jean-Bernard Wieland n’a plus de mandat politique. Non réélu lors des dernières élections communales, le truculent Verrisan a accepté de revenir avec le Courrier hebdo sur un engagement de plus de trois décennies. Un entretien sans tabou entre nostalgie, sentiment du devoir accompli et évidemment déception.
Dès son arrivée, Jean-Bernard Wieland s’avoue amer, tant sa non-réélection a constitué pour lui un choc. « Cela m’a pris au dépourvu », reconnaît-il, sans se cacher. Plus que le brutal verdict des urnes, c’est un certain manque de reconnaissance des citoyens après vingt-sept ans de Conseil communal qui l’a déçu. Toutefois, il nous confesse qu’il avait hésité à se représenter pour une énième législature. « Cette année, avec tout ce qu’a occasionné ce virus, a été difficile à manager et la présidence fut très alourdie », explique-t-il, en nous confiant avoir ressenti une envie de se mettre en retrait. Cependant, le sentiment de devoir accompagner une transition et de guider les jeunes élus de la commune l’a conduit à se lancer dans une nouvelle campagne. Une campagne dure, rythmée par certaines attaques le ciblant, où sa franchise, notamment sur la question de l’accueil parascolaire, l’a cette fois desservi. « Alors que mon franc-parler a souvent été ma qualité, là il m’a perdu », dit-il, en haussant les épaules, « mais, voilà, je ne fais pas dans le boniment ! ». L’ancien président du Conseil communal verrisan n’a jamais eu la crainte de ne pas plaire à tout le monde et de regarder la réalité en face.
Franchise et indépendance d’idée
Exprimée par lui, cette sincérité prend presque la forme de ligne de conduite politique, même s’il n’apprécie pas le qualificatif de politicien. Se définirait-il comme un élu pragmatique ? « Oui, c’est cela. Faire des promesses irréalisables, peu pour moi. Les projets doivent être concrets », abonde celui qui a toujours revendiqué une liberté de pensée et regretté les prises de position partisanes. Pour Jean-Bernard Wieland, peu importe la couleur politique d’une idée tant qu’elle est intelligente et bénéfique pour la commune. D’ailleurs, cette indépendance lui avait valu d’être éjecté du Parti libéral dans les années quatre-vingts. « Mais, je voulais toujours m’investir pour ma commune », nous relate-t-il. Ainsi, il contribuera à la création de la Liste verrisanne, liste sans parti. « Cela m’a plu car nous pouvions vraiment mettre en avant les idées pour les Verrières », se rappelle-t-il, un soupçon de nostalgie dans la voix. Ainsi, son élection en 1984 sur cette liste au Conseil général marqua le début de son engagement politique qui durera plus de trente ans. Justement, cette volonté de s’investir pour la chose publique, d’où vient-elle ?
Face à nous, Jean-Bernard Wieland remonte le temps et le flux des souvenirs. « Sûrement des années septante. Mon père, membre du Parti libéral, était conseiller général puis communal en 1976 », nous raconte-t-il. également, il évoque son investissement dans le milieu associatif verrisan, notamment dans les jeunes tireurs. Aussi loin qu’il s’en souvienne, ses parents ont toujours incité leurs enfants à participer aux activités villageoises et associatives. Ainsi, au fil des discussions et débats entre membres de clubs, Jean-Bernard Wieland appréhende progressivement la politique communale. Une préoccupation du bien communautaire qui l’habitera pour les décennies suivantes.
Une présidence de vingt ans
Les décennies suivantes, il s’agit de vingt-sept années au Conseil communal dont vingt en tant que président dans une période où germent progressivement les idées de fusion des communes du Val-de-Travers. Réfractaire à cette option, l’expansif conseiller communal et ses collègues poursuivent une politique de rénovation des infrastructures communales avec succès. Des projets menés, selon Jean-Bernard Wieland, dans une collaboration respectueuse et sincère avec les autorités communales et cantonales. « Le respect appelle le respect. En politique, on peut se fâcher le soir, mais le lendemain, cela doit être enterré », nous expose-t-il, avec clarté. Lui-même admet que sa « gouaille », comme il le dit, son franc-parler et sa prestance l’ont conduit à devenir cette figure incontournable de la politique régionale. « Mais, encore une fois, il y a des moments où je n’aurais pas dû évoquer certaines choses », nous relance-t-il, en évoquant sa nouvelle prise de position au sujet d’une adhésion à la commune de Val-de-Travers. Opposant de la première heure, il conçoit aujourd’hui que le futur des Verrières passera par cela. « Je suis certain que certaines personnes n’ont pas compris ce choix et cela a pesé », nous avoue-t-il. Une ultime preuve de ce pragmatisme de gestionnaire de la chose publique qui le caractérise.
La charge de la fonction
Plus généralement, nous tentons d’évoquer avec l’ancien élu l’évolution de la vie politique locale au cours des dernières décennies. Sans nécessité de réfléchir, il cible les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, les critiques se répandent à une vitesse jamais vue. On met un commentaire et, hop, cela est vu et lu par tous », s’emporte-t-il, un peu déconcerté et marqué. Attaqué personnellement sur ces nouveaux médias lors de la dernière législature, Jean-Bernard Wieland y voit aussi un changement de génération. Pour lui, en plus de revendications de plus en plus individualistes et virulentes, il constate une certaine défiance envers les élus. « Avant, les gens avaient confiance en leurs élus », assène-t-il, tristement. Pour autant, cette figure de la politique verrisanne demeure optimiste, même s’il admet qu’il est peut-être un des derniers élus de son espèce. « Oui, il y aura de bons jeunes pour s’impliquer, mais au point qui était le mien, je ne sais pas… », nous répond-t-il, en détaillant la paperasse toujours plus importante et la difficulté toujours plus ardue de concilier les vies politique et professionnelle. Lui, nous indique-t-il, mettait un point d’honneur à être toujours disponible, mais souvent au prix de sacrifices privés.
Devant ce nombre d’années au conseil communal, nous lui demandons si, parfois, il a eu envie de tout plaquer ? « Oui, en 2017 par exemple, j’étais prêt à quitter séance tenante » reconnaît-il. Cependant, il admet qu’une chose l’anime toujours : l’amour de sa commune. Et pour nous de lui demander, si c’est peut-être cet amour pour les Verrières qui est moteur. « Totalement ! J’aime ma commune et je souhaite le meilleur développement pour elle, mais nous sommes aux confins du canton. Nous devons nous battre pour exister », nous explique-t-il, avec force.
À la fin de cet entretien, nous savons, Amour de la commune et souci du bien public, voila ce qui a guidé Jean-Bernard Wieland. Nous osons la question de l’avenir. Le Verrisan goûte à nouveau l’amertume et nous avoue qu’il a encore besoin de temps pour digérer sa défaite électorale. Il est déjà heureux de se libérer des contraintes de temps de sa fonction pour en passer plus avec son épouse. Autrement, il se montre très philosophe « pour clore un chapitre, il faut savoir écrire le prochain… » nous dit-il, intimement. Même si la nature de ce prochain chapitre est encore inconnue, nous sommes certains que Jean-Bernard Wieland saura le rédiger, en temps voulu.
Gabriel Risold