Cache-cache gagné par les poissons
L’ouverture de la pêche à la truite le 1er mars offrait une première manche attendue entre pêcheurs et poissons. Ces derniers ont remporté largement le cache-cache tant les prises ont été rares. Le garde-pêche retraité Jean-François Wyss s’en est malgré tout tiré avec les honneurs lors de son soixante-deuxième 1er mars au bord de l’eau. Bilan de ce premier face-à-face.
Le 1er mars, je suis allé pêcher à Môtiers de 8 h à 9 h 30 et j’ai attrapé deux truites qui se sont échappées de la pisciculture, probablement il y a une année,
balance d’entrée l’homme de 78 ans.
Elles n’avaient rien à faire dans la rivière alors je les ai gardées comme elles faisaient 29 et 31 centimètres.
Voilà qui constituera un bon repas pour celui qui a été garde-pêche dès l’âge de 22 ans. D’autres seront à la diète à croire les chiffres remontés par l’un des deux gardes actuels du Val-de-Travers : sur la soixantaine de pêcheurs « recensés » (58) dans le courant de la journée, seule une dizaine de poissons (9) ont été dénombrés. C’est peu même si certains approchaient les 40 centimètres !
Le flair indéfectible de Jean-François Wyss
C’est même trop peu pour Jean-François Wyss qui y voit une énième mise en évidence de l’appauvrissement de l’Areuse.
J’ai vu quelques personnes qui avaient lancé leur ligne mais aucune qui ne sortait quelque chose de l’eau.
Il avait senti le coup, lui qui avouait ne pas ressentir une grande motivation avant cette ouverture après avoir eu la surprise de ne voir aucun poisson dans l’eau entre Môtiers et Fleurier lors d’une reconnaissance dans la semaine.
Surprise oui et non car cela fait longtemps que l’état ne réapprovisionne plus la rivière. Il y a quelques années, 80’000 truites étaient lâchées annuellement dans le bassin de l’Areuse et même dans le Doubs.
À qui la faute ? À la canalisation du cours d’eau qui, couplée aux crues, balaie une grande partie des œufs. « Des pertes qui ne sont plus compensées par la pisciculture comme avant lorsque des poissons étaient lâchés en rivière après la fonte des neiges. » Les oiseaux et en particulier les harles, qui se nourrissent à bien plaire durant tout l’hiver dans l’Areuse, sont des concurrents particulièrement féroces pour les pêcheurs. Pas loin de la concurrence déloyale diront certains. Et c’est comme ça qu’on se retrouve avec un score de rugby ‒ 58 pêcheurs et 9 poissons sortis seulement ‒ lors des trois coups de la pêche.
« L’eau est transparente comme du kirsch »
Durant la bonne heure que nous avons passée ensemble, certains pêcheurs courageux semblaient perdre un peu patience. L’un multipliait les « allers-retours » d’un spot à l’autre, un deuxième scrutait désespérément les frétillements de l’eau et un autre encore maugréait contre son fil qui lui résistait. Pauvres pécheurs auraient sans doute dit les plus croyants au regard de ces scènes. Heureusement, la fréquentation en légère baisse par rapport aux autres années a peut-être évité la crise de nerfs à certains.
Cette baisse s’explique aussi par l’annulation du traditionnel concours, très apprécié,
explique celui qui est déjà monté sur la deuxième marche du podium de cette joute aquatique.
Mais je n’ai jamais été très bon à l’ouverture,
rigole-t-il modestement.
Et pour en revenir à cette ouverture, l’eau est transparente comme du kirsch et les promeneurs font fuir les poissons donc ça n’aide pas à faire mouche non plus.
Voilà pour les explications du garde-pêche retraité qui prévoit déjà une seconde manche de cache-cache dans la semaine.
Kevin Vaucher