Concours
Quand la Jeunesse (du Vallon) débat !
Organiser sa pensée, définir et ordonner son argumentaire, se forger une opinion et l’exprimer de manière précise et synthétique. Tels étaient les principaux objectifs de « La jeunesse débat ! » organisé par l’association YES. Un concours de débats s’adressant aux élèves de 12 à 20 ans dont la finale nationale avait lieu les 1er et 2 avril derniers à Berne. Deux élèves du Cercle scolaire Jean-Jacques Rousseau y participaient. Rencontre avec les deux jeunes rhéteurs, Maxim Charrière et Louis Jequier et l’enseignant qui les a accompagnés durant leur préparation.
Au début de l’entretien, une certaine retenue ou une timidité est palpable, probablement que ni Maxim, ni Louis n’imaginaient devoir répondre aux questions du Courrier du Val-de-Travers hebdo sur leur « finale » du concours « La jeunesse débat ! », à Berne en fin de semaine dernière. Néanmoins, après quelques minutes et une fois la conversation engagée, les deux adolescents de quatorze ans n’ont plus eu aucune difficulté à relater leurs deux jours dans la capitale fédérale et à expliciter leurs impressions et leurs connaissances acquises durant la participation à ce concours.
En premier, je voulais améliorer ma façon de m’exprimer en public,
commence Maxim en expliquant son choix de participer à ce concours. Les deux jeunes gens avaient à débattre de sujets aussi divers que les quotas féminins dans les fonctions de cadre, le plastique à usage unique ou encore, plus polarisant, une obligation vaccinale pour certaines maladies. Des thématiques variées et actuelles dont les deux jeunes rhéteurs avaient peu ou prou entendu parler.
Mais en général, je me sentais peu concerné en raison du fait de ne pas pouvoir voter,
reconnaît Louis.
Son coéquipier de concours avoue, lui, s’intéresser un peu plus à l’actualité et à la nature des objets des votations.
Et l’obligation vaccinale, c’est une thématique vraiment actuelle,
note Maxim, dont la parole commence à être aisée.
Si tous deux soulignent des thématiques majeures et de notre temps, ils insistent sur le fait que d’avoir dû observer tous les points de vue d’une question s’est révélé d’une grande richesse. Et, argumenter en faveur d’une position qui n’est pas la sienne fut le plus difficile, car celle à défendre lors des débats était tirée au sort.
Cela pousse à rechercher des arguments plus poussés,
estime Maxim.
Et à aborder la question de deux manières différentes,
ajoute Louis. En effet, défendre « l’indéfendable » ou en tout cas une position contraire à ses opinions a imprimé une trace chez les deux jeunes débatteurs.
Mais cela pousse à un surcroît de réflexion et de créativité, à se creuser les méninges, à aller chercher plus loin,
précise Daniel Zayan, l’enseignant qui a accompagné et « entraîné » trois équipes de deux élèves jusqu’à la finale régionale, puis une équipe en finale nationale.
Forger son opinion et en débattre
Organisé par l’association à but non lucratif YES (acronyme de Young Enterprise Switzerland), le concours « La jeunesse débat ! » existe depuis 2005 et s’adresse aux élèves de secondaire I et II dans l’objectif de promouvoir la réflexion sur des sujets de société, apprendre à se forger une opinion, à l’argumenter et l’exposer de manière synthétique dans le respect des points de vue opposés. Au cours du premier semestre, Daniel Zayan découvre l’existence du concours et entreprend de proposer aux élèves intéressés d’y participer dans le cadre d’une activité complémentaire facultative.
En 11e année, un des objectifs est le texte argumentatif. Cela entrait dans ce cadre de façon concrète,
explique l’enseignant qui a été séduit par la volonté de l’association de donner la chance aux « jeunes » d’exprimer leurs opinions sur des thématiques actuelles. Ainsi, durant 1 h 30 par semaine, les élèves ont appris à maîtriser une structure argumentative et à débattre avec des contradicteurs.
Un point important était aussi la manière de construire un pont entre les deux parties opposées,
relève Daniel Zayan. De ce fait, le dernier critère du jury du concours, en plus de la maîtrise du fond et de la forme, était la capacité de dialoguer.
Après une sélection à l’interne du collège, les trois meilleures équipes ont participé à la finale régionale de l’Arc jurassien lors de laquelle Maxim et Louis se sont qualifiés pour la finale nationale à Berne qui comptait une soixantaine de participants. Concrètement, après la position pour ou contre tirée au sort, les équipes devaient introduire le sujet, exposer leurs arguments, puis débattaient à « bride abattue » avant d’avancer une conclusion. Un véritable exercice de débat mettant en valeur la logique et la rhétorique.
La qualité des débats était extraordinaire,
juge Daniel Zayan. Les deux adolescents abondent en ce sens en soulignant la richesse du débat de la finale romande justement remportée par un duo qui devait s’opposer à la proposition. Finale à laquelle Maxim et Louis n’ont pas pris part, mais l’objectif était déjà rempli.
La finale nationale c’était la cerise sur le gâteau,
avoue Louis en estimant que cette expérience vaut plus que le résultat. Une aventure riche d’enseignements que souligne aussi son camarade.
Même si je perds, j’apprends,
note-t-il, avec une étonnante sagesse.
Personnages « démystifiés »
Cette finale à Berne était également l’occasion pour les deux élèves de visiter le Palais fédéral, le jour de son 120e anniversaire, et de rencontrer des parlementaires fédéraux.
Ces lieux sont presque « tabous » pour le simple citoyen,
explique Daniel Zayan qui a accompagné les deux élèves à Berne.
Là, on peut toucher du doigt ce qu’est cette représentation politique.
Une visite guidée qui a marqué tout autant les deux adolescents.
C’est vraiment un beau bâtiment, avec des fresques historiques sublimes,
note Louis, encore un peu impressionné. La rencontre avec des parlementaires a fait aussi son effet.
Sur le papier, on imagine des personnes sérieuses et en fait, ce sont des gens blagueurs et sympathiques,
relève Maxim.
Cela a permis une démystification du personnage politique,
renchérit Louis en concluant que finalement ces élus sont des gens comme tout le monde.
Alors que leur parcours dans ce concours de débat a pris fin samedi dernier, qu’est-ce que retiennent Maxim et Louis ?
L’importance de voir une question de deux points de vue différents,
estime Louis. Quant à Maxim, il a apprécié défendre des positions parfois « difficiles ». L’avenir dira si les deux jeunes rhéteurs qui ont goûté à l’art de la joute oratoire s’engageront un jour en politique. Pour l’instant, cette ambition n’existe pas, même si Maxim a, pour sa part, souhaité intégrer l’association YES. Choix qu’approuve Daniel Zayan dans l’optique de se créer un possible réseau pour le futur. L’enseignant ne retire que du positif de cette première participation et émet déjà le souhait de prendre part à l’édition de l’année prochaine, tant les aspects de réflexion, d’argumentation et de synthèse sont des éléments fondamentaux pour une future vie professionnelle et surtout civique.
Gabriel Risold