Saint-Sulpice
Ce « lieu saint » où on y mangeait bien !
Les Buffet de la Gare, c’est un peu comme les églises. Il y en a partout, dans chaque village ou presque. Il y a un siècle, ils étaient toujours remplis, essentiellement par des voyageurs qui venaient s’y renseigner, s’y restaurer ou s’y loger. Aujourd’hui, comme les bancs des églises, ils attirent beaucoup moins de monde quand ils ne sont tout simplement pas fermés. C’est notamment le cas du Buffet de la Gare de Saint-Sulpice qui a laissé des souvenirs indélébiles dans les esprits vallonniers, notamment pour les petits plats préparés par la famille Colò, dernière tenancière du lieu.
« Je n’ai jamais mangé d’autant bonnes pizzas de ma vie », « Qu’est-ce que je regrette ces restaurants où on était accueillis à bras ouverts », « Les filets mignons, une vraie tuerie ! » ou encore « Les lasagnes à Madame Colò, miam-miam » ! Voilà quelques-unes des nombreuses réactions suscitées par l’évocation du Buffet de la Gare sur Facebook. Autant de souvenirs que les Vallonniers et les Vallonnières aiment partager avec un peu de nostalgie. Il faut dire que les Buffet de la Gare du Vallon, comme ailleurs, ont fait partie du quotidien d’une partie de la population durant des décennies.
Naissance en 1885 grâce à la fabrique de ciment
Ce type d’établissement « faisait partie intégrante de l’infrastructure ferroviaire. Un lieu de rencontre pour les travailleurs du rail où les voyageurs en partance s’adonnaient aux dernières effusions et un lieu où les solitaires rêvaient d’ailleurs en noyant leur tristesse dans l’alcool, de tôt le matin à tard le soir », écrit un brin poétiquement Jacques Kaeslin dans Val-de-Travers : Auberges, Bistrots et Cercles d’autrefois. Le sort de ces lieux était souvent lié à l’évolution des moyens de transport des personnes et des marchandises comme à Saint-Sulpice où la construction du Buffet de la Gare (1885) a eu lieu grâce à la fabrique de ciment Portland. L’établissement servait notamment à l’hébergement des clients extérieurs. L’« Hôtel de la Gare » est appelé Café de la Gare dès l’ouverture de la ligne du Régional.
Un essor industriel qui ne profite pas aux commerces du village
Avant cela, il prenait le nom de ses tenanciers successifs. Le terme Buffet de la Gare arrive en novembre 1892 lors de la reprise du lieu par Louis Vaucher-Laiss. Il se distingue positivement des autres bâtiments du même type par son architecture esthétique et soignée. Sans doute car il était lié à l’image de la fabrique de ciment.
À cette époque, le village est en plein essor industriel mais peu de commerces en ont finalement véritablement profité. Probablement « en raison de leur trop grand nombre », évoque Jacques Kaeslin dans son ouvrage. Bien qu’idéalement situé dans le village, l’établissement a rencontré des difficultés tout au long de son existence. La plupart des tenanciers passent le témoin au bout de cinq à six ans d’exploitation quand ils ne sont pas mis en faillite. Le « buffet » a régalé ses derniers clients au début des années 2000. Amen…
Kevin Vaucher